Une expérience psychédélique
Le 23 septembre 2014
Un documentaire inédit de Nicholas Ray à découvrir dans nos salles et en DVD le 24 septembre, en version restaurée.
- Réalisateur : Nicholas Ray
- Acteurs : Richard Bock, Tom Farrell, Danny Fisher, Jill Gannon, Nicholas Ray
- Genre : Documentaire, Expérimental
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h31mn
- Festival : Festival de Cannes 1973
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Sortie en salles et en DVD : le 24 septembre 2014
L’argument : En 1972, à l’université Suny Binghamton, Nicholas Ray enseigne le cinéma à de jeunes étudiants en les incitant à faire un film sans scénario, mais inspiré de leurs histoires personnelles et recourant à diverses expérimentations.
Notre avis : Ce documentaire avait été sélectionné au Festival de Cannes en 1973, et y avait suscité une grande perplexité. Il ne fut jamais distribué, malgré le prestige du réalisateur et l’ambition du propos. Au fil des années, il a subi beaucoup de changements et quelques ajouts. Une copie restaurée a été présentée au Festival de New York le 2 octobre 2011, avant d’être distribuée aux États-Unis. C’est cette version que les Français pourront découvrir simultanément dans les salles et en DVD. Le style radical du documentaire pourra frapper chez un cinéaste qui a toujours travaillé au cœur de l’industrie hollywoodienne des grands studios, même si cet artiste très personnel a rarement été mis à l’honneur par les « professionnels de la profession ». C’est ainsi que l’auteur de Johnny Guitare n’est présent dans les annales des Oscars qu’à travers la nomination (non concrétisée) du meilleur scénario pour La fureur de vivre. Miné par les échecs commerciaux des remarquables Traquenard et La forêt interdite, Nicholas Ray avait accepté la commande d’une superproduction (Les 55 jours de Pékin), mal reçue, avant de connaître une traversée du désert dans les années 60. Et c’est un Nicholas Ray usé par l’alcool et financièrement ruiné qui semble rejaillir ici. Il faut comprendre ce parcours pour saisir le sentiment d’intégrité et de jusqu’au-boutisme artistique qui pousse le réalisateur à accepter un poste d’enseignant dans l’État de New York et à entreprendre ce projet avant-gardiste. Le cheminement de Ray est d’ailleurs évoqué lorsque l’un de ses étudiants, dans un jeu de rôle assumé, lui demande ce qu’un cinéaste aussi prestigieux est venu faire sur ce campus. Mais cette référence au passé du réalisateur est furtive et, à l’exception de quelques courts extraits de films, il n’est que très peu question du parcours de « Nick ». Aussi, il ne faut pas s’attendre à une « leçon de cinéma » explicite d’un cinéaste vieillissant. We can’t go home again est un appel à un cinéma en liberté, hymne à la créativité et l’improvisation, loin de la tradition narrative.
Réalisant qu’il a ici la marge de manœuvre qui lui manquait à Hollywood, sans avoir les moyens financiers qu’apportaient les studios, Ray s’assume pleinement et transmet sa valeur de liberté aux étudiants, tout en vivant avec eux une expérience de vie communautaire et de création collective typiques de l’esprit des années 70. Les étudiants sont ici des assistants réalisateurs de Ray. Il apprennent les bases techniques du métier tout en participant au scénario, au montage, à la photo, au son, et aussi à l’interprétation. Nicholas Ray est en parfaite osmose avec ces jeunes, comme il le fut avec James Dean, Natalie Wood ou Sal Mineo sur le tournage de La fureur de vivre. Figure paternelle bienveillante, il les initie à exprimer leur liberté d’artistes en herbe tout en se posant comme une « statue de Commandeur » charismatique, à la frontière de la position de gourou filmique. Le discours du film est riche tout en pouvant paraître parfois disparate. Ray convoque en effet le psychodrame et le vécu de chacun pour composer des saynètes époustouflantes, dans lesquelles les préoccupations individuelles croisent aussi l’air du temps : on y parle de liberté sexuelle, d’oppression policière, de refus de l’autorité, que l’on crie devant la caméra. L’œuvre s’inscrit d’ailleurs dans une mouvance de contre-culture sociale et politique des années 70. Il y est ainsi question du Viêt-Nam et de l’attitude autoritaire du gouvernement américain, et l’on peut y croiser Jane Fonda, dans un de ces discours typiques de l’engagement de l’époque. Mais il aborde aussi et déjà le thème de la désillusion politique et de la prise de conscience de la fin des utopies. Sur le plan formel, le cinéaste a souhaité « casser le rectangle » en ayant recours le plus possible au split screen, utilisant de nombreuses caméras (Super 8, 16mm et 35mm), pour conforter le caractère « expérimental » qu’il revendique. Le résultat est un objet filmique psychédélique, au montage vertigineux, et influencé aussi bien par les nouvelles formes d’expression télévisuelle que par la peinture expressionniste ou le pop art. Ce devait être l’avant-dernier long métrage de Nicholas Ray, avant le documentaire Nick’s movie (1980), coréalisé avec Wim Wenders, et tourné alors qu’il était mourant. On peut donc considérer We can’t go home again comme le premier testament d’un artiste majeur.
Trailer de We can’t go home again par oscopelabs
LE TEST DVD
Les éditions Carlotta proposent un double DVD de qualité, caractérisé par d’intéressants suppléments.
Les suppléments
Les suppléments sont riches mais s’adressent, tout comme le documentaire, à un public averti (cinéphiles, étudiants, professionnels...), connaissant déjà l’œuvre de Nicholas Ray. Le premier disque comprend deux entretiens intéressants avec le cinéaste Jim Jarmusch (18 mn), qui fut son étudiant, ainsi que l’acteur et réalisateur Bernard Eisenschitz (19 mn). On y trouve aussi le curieux et audacieux The Janitor (12 mn), réalisé par Nicholas Ray, et qui est un des segments de Rêves humides, une production de Max Fischer. Par contre, les 28 mn des rushes de Marco (1977), court métrage de Ray, paraîtront un peu longues. Mais elles sont utiles pour comprendre la méthode de Ray sur le jeu des acteurs, et que vient éclairer un entretien de 9 mn avec ses protagonistes. Mais on peut regretter que les suppléments ne permettent pas de voir cette œuvre... Le deuxième disque est uniquement composé de Don’t expect too much (2011), un passionnant documentaire (1h10) de Susan Ray, la veuve du cinéaste. On y retrouve, quarante ans après le tournage, les membres de l’équipe du film, qui relatent leur expérience et apportent un éclairage instructif sur We can’t go home again et son auteur.
L’image
Le nouveau master restauré respecte le format 1.33. L’image a été restaurée par Cineric Inc. On appréciera particulièrement la restitution des couleurs qui ancrent le film dans une certaine esthétique documentaire des années 70.
Le son
Le son a été restauré par Audio Mechanics. Le travail est de qualité et le DVD le rend bien. Le documentaire comme les suppléments sont présentés en version originale (langue anglaise) avec sous-titres français.
Galerie photos
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