Buena vista garbage club
Le 11 juin 2012
Un formidable documentaire d’un point de vue formel mais qui pose certaines questions morales non résolues sur la responsabilité des artistes.
- Réalisateur : Lucy Walker
- Acteur : Vik Muniz
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Britannique, Brésilien
- Durée : 1h38mn
- Date de sortie : 23 mars 2011
- Plus d'informations : Le site officiel du film
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Un formidable documentaire d’un point de vue formel mais qui pose certaines questions morales non résolues sur la responsabilité des artistes.
L’argument : Pendant trois ans, Waste land suit l’artiste brésilien Vik Muniz de Brooklyn, où il vit, à Jardim Gramacho en banlieue de Rio de Janeiro. Dans la plus vaste décharge du monde, il retrouve son Brésil natal pour un projet artistique inédit : photographier les « catadores » (les ramasseurs de déchets recyclables) dans des mises en scènes composées à partir d’objets et matériaux rescapés des poubelles. Tout au long de cette aventure, le projet va prendre une toute autre dimension. Au fur et à mesure de sa collaboration avec ces personnages hors du commun, Vik va saisir tout le désespoir et la dignité des catadores, alors même qu’ils parviennent à réinventer leur vie en prenant part à son œuvre d’artiste.
Notre avis : La sincérité d’une démarche artistique, son élaboration pragmatique et son résultat esthétique, aussi réussi soit-il, ne peuvent occulter les questions morales et éthiques qui en découlent. C’est la première réflexion que le spectateur se fera sans doute après la projection du documentaire de Lucy Walker. Tout dans cette œuvre sent le feel good movie à plein nez : le misérabilisme initial des protagonistes, sorte de Sisyphes qui ne verront jamais le bout d’un Enfer moderne composé de montagnes de détritus, puis leur extraction de ce milieu néfaste par le biais de l’art représenté par le génial Vik Muniz, avant le final qui consacrera ces personnages comme les héros d’une histoire humaine flamboyante s’achevant dans une mélancolie diffuse, propre aux adieux immédiatement nostalgiques qui marqueront positivement le spectateur. De ce point de vue, purement cinématographique, Waste land est une réussite, d’autant qu’il bénéficie de la puissance visuelle émanant à la fois de cette « ville poubelle » et de la profondeur inouïe de chaque regard qui se détache de cet environnement hors du commun. Même si c’est de l’ordre de l’anecdote, ajoutons également que la musique signée Moby est autrement plus inspirée que tout ce qu’il a pu produire ces dix dernières années.
Une fois les termes artistiques posés, reste l’ambiguïté morale de cette entreprise. Non pas qu’elle ne soit pas évoquée par les auteurs eux-mêmes. A plusieurs reprises, Muniz, ou plutôt ses collaborateurs, s’aperçoivent que les catadores improvisés artistes et modèles se font des illusions sur un changement de conditions de vie pourtant plus qu’hypothétique. Cela donne lieu à des réflexions sur l’essence même de ce projet, mais des réflexions bien faibles et en aucun cas satisfaisantes. Le point de vue de Muniz nous paraît d’ailleurs erroné. Pour l’artiste, qui a connu lui aussi la pauvreté dans son enfance, si l’on propose à un catadores de changer de vie pendant quelques semaines en sachant qu’il retournera sur sa montagne de déchets après, il doit accepter et gérer ce retour à la normale comme il le peut. Certes, tout le monde dirait oui, mais parce qu’on s’imagine d’abord les bénéfices immédiats du changement en repoussant le plus longtemps possible le fait d’envisager le retour à la triste réalité. Et là, le choc psychologique peut faire très mal. La vraie question n’est donc pas de se demander si ces personnes devaient accepter de participer au projet mais plutôt s’il fallait leur proposer ce projet en tenant compte des effets potentiellement désastreux à long terme. D’ailleurs, si certains vont effectivement bien s’en sortir, d’autres vont disparaître sans laisser de traces.
Bien sûr le tableau n’est pas si noir, même (et surtout) pour ceux qui n’auront pas participé au film puisque l’intégralité de la vente des œuvres (250 000 dollars quand même) a été reversée à l’ensemble des catadores pour améliorer leurs conditions de travail. Mais pour ceux qui ont participé et entraperçu cette merveilleuse échappatoire, c’est sans doute une autre histoire. Nous ne dirons pas qu’ils ont été utilisés, recyclés puis rejetés comme les déchets qu’ils collectent chaque jour car c’était tout de même une formidable aventure humaine. Mais il nous semble que toutes les précautions n’ont pas été prises. Nous espérons sincèrement nous tromper.
La bande-annonce : ICI
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