Le 27 septembre 2020
Waiting for the Barbarians est le plus allégorique, mais le moins abouti de tous les films que Ciro Guerra consacre à l’un de ses thèmes fétiches : le colonialisme, qu’il condamne sans demi-mesure. La performance de Mark Rylance y est tout simplement époustouflante.
- Réalisateur : Ciro Guerra
- Acteurs : Johnny Depp, Greta Scacchi, Robert Pattinson, Mark Rylance, Harry Melling
- Genre : Drame, Aventure
- Nationalité : Américain, Italien
- Editeur vidéo : M6 Vidéo
- Durée : 1h54min
- Date de sortie : 31 août 2020
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Résumé : Un magistrat amène gère le fort d’une ville aux confins d’un empire. Le pouvoir central s’inquiète, de façon exagérée, d’une invasion barbare, tout le long de la frontière, et dépêche sur les lieux le terrifiant colonel Joll. Son arrivée engendre les premiers mauvais traitements infligés, sans aucune mansuétude, aux non-occidentaux. Une jeune fille indigène apeurée, aux deux pieds cassés, est affectionnée par le magistrat. Ce dernier décide alors de mettre des bâtons dans les roues d’une machine oppressive terriblement bien huilée.
Critique : Le film est une adaptation cinématographique de l’ouvrage éponyme de J.M. Coetzee, écrivain sud-africain ayant reçu le prix Nobel de Littérature en 2003. A la frontière d’un empire expansionniste, sur une terre quasiment désertique, le magistrat Mark Rylance administre, de façon paternaliste, la population qui est sous sa responsabilité. L’arrivée du colonel Joll (campé par un glaçant Johnny Depp) va bouleverser cette donne bienheureuse. Le colonel est, tout comme les hommes sous ses ordres, entièrement vêtu de noir ; un noir qui recouvre aussi le verre de ses lunettes, seul détail le rendant excentrique, car pour le reste, il a une seule lubie en tête : s’attaquer à ceux qu’il nomme communément les "barbares". Le magistrat s’échine à lui prouver qu’il n’y a nulle menace à anticiper de la part de prétendus "barbares", mais le colonel Joll persiste dans ses errements autoritaires. La torture est, selon lui, le seul moyen d’arracher la vérité aux rares étrangers retenus en prison pour de menus larcins. Les "barbares" ne seraient-ils pas plutôt les Occidentaux éprouvant un malin plaisir -c’est le cas pour le colonel et ce le sera pour son subordonné, joué par un cruel Robert Pattinson- à obtenir des aveux, ou devrait-on dire les aveux qu’ils désirent, par des moyens extrêmement difficiles à soutenir ?
Le magistrat apparaît comme une sorte de messie dérisoire : la scène où il lave les pieds d’une étrangère nomade et aveugle est une référence biblique indéniable. Il tombe amoureux d’elle, mais lui offre le choix entre rester à ses côtés et retourner vers les siens : elle opte pour le second choix, que Mark Rylance respecte, avec une infinie bonté, en la rendant à son ethnie originelle, au terme d’un long périple aux confins du monde connu. Le magistrat, de retour du désert, est accablé de lourdes charges infondées, comme la haute trahison, par le pouvoir central. Il est fait immédiatement prisonnier, tout en demeurant réfractaire aux aveux exigés par le colonel Joll, sorte de Ponce Pilate de cette époque chimérique. En guise de chemin de croix, le magistrat est conduit, tel un pantin chahuté par une foule métamorphosée, voire totalement méconnaissable, par son amoralité, vers un arbre auquel il est longtemps suspendu par ses poignets attachés. Sa souffrance n’est pas endurée en silence. Nous déplorons l’absence de pitié pour le magistrat, même de la part de ses anciens administrés : l’instrumentalisation des masses paraît aisée.
En se soustrayant à ses devoirs de respect hiérarchique, le magistrat Mark Rylance est mis au ban de la société. Auparavant, il était un garant respecté et respectueux de la justice. Visiblement, le fait de juger équitablement n’est pas du goût de tous les serviteurs de l’Empire, tel le dédaigneux colonel Joll. Le film invite à réfléchir sur la question suivante : jusqu’où doit-on obéir à des ordres, surtout lorsqu’il s’agit d’exactions ?
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