C’était mieux avant !
Le 18 mars 2019
Aux antipodes de l’imagerie collective hantée par les Pablo Escobar et consorts, cette magnifique fresque nous rappelle que les cartels de la drogue trouvent leurs racines dans des tribus locales imprégnées de mysticisme. Ambitieux et poignant.
- Réalisateurs : Ciro Guerra - Cristina Gallego
- Acteurs : Carmiña Martínez, José Acosta, John Narvaez, Natalia Reyes
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Film de gangsters
- Nationalité : Colombien
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 2h05mn
- Titre original : Pájaros de verano
- Date de sortie : 10 avril 2019
- Festival : Festival de Cannes 2018, Quinzaine des Réalisateurs 2018
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Résumé : Dans les années 1970, en Colombie, une famille d’indigènes Wayuu se retrouve au cœur de la vente florissante de marijuana à la jeunesse américaine. Quand l’honneur des familles tente de résister à l’avidité des hommes, la guerre des clans devient inévitable et met en péril leurs vies, leur culture et leurs traditions ancestrales. C’est la naissance des cartels de la drogue.
Notre avis : L’approche inédite que Ciro Guerra et Cristina Gallego nous apportent de ce sujet, pourtant déjà moult fois traité par le cinéma, que le narcotrafic en Amérique Latine peut être perçu comme une réponse à celui de leur précédent film, L’Etreinte du Serpent. C’est avant tout dans les paysages que s’opère cette opposition, la jungle tropicale du premier ayant donné place à des déserts arides, néanmoins aussi beaux les uns que les autres. Mais, plus encore, cet effet miroir apparaît dans la façon dont les deux réalisateurs ont de nous donner des images radicalement contradictoires de la place que peuvent avoir les tribus locales dans la Colombie moderne. Ainsi, si celles-ci restent, dans L’Etreinte du Serpent, parfaitement impénétrables aux yeux de l’Homme blanc, dans Les Oiseaux de Passage, tout l’enjeu va venir de l’effort qu’ont fait les clans Wayuu pour se moderniser en essayant de ne rien perdre de leurs traditions et de leur code d’honneur ancestraux.
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Or, dans un monde où tout est diligenté par le pouvoir de l’argent, le seul moyen qu’a trouvé la famille de Rapayet de s’y trouver une place est de s’enrichir, et pour cela de cultiver puis vendre de la marijuana. Un seul hic : elle n’est pas la seule à avoir eu cette fausse bonne idée. Et tout le monde sait que, dès qu’il est question de vente de drogues, la libre concurrence se règle dans des bains de sang.
Dans le récit elliptique conçu par le duo de réalisateurs, les armes à feu deviennent omniprésentes au milieu de ce commerce familial. A un point tel que celles-ci doivent, au bout de quelques années, être cachées dans des tombes. Les mœurs folkloriques sont dès lors honteusement bafouées. Tout le drame se situe là : ce film qui s’ouvre sur une danse prénuptiale rituelle, nous promettant une observation anthropologique et intimiste, adopte rapidement les codes du film de gangsters, dont son inévitable schéma du rise and fall et sa violence déraisonnable lui valurent d’ailleurs d’être comparé à Scarface.
Une différence majeure demeure toutefois entre les parcours de Rapayet et celui de Tony Montana, à savoir la dimension familiale qui guide le premier. En effet, ce Wayuu au cœur de la narration des Oiseaux de Passage n’est jamais véritablement maître de son destin. Dès le début, il subit les influences de son oncle Perigrino et de son ami Moises, qui incarnent respectivement le respect et le non-respect des traditions claniques. Il apparaît néanmoins que la personne la plus influente de cette fratrie est sa belle-mère, Ursula. L’amour que celle-ci porte à ses enfants va même devenir l’élément principal lorsque Rapayet n’arrivera pas à empêcher les siens d’avoir massivement recours aux armes.
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Le destin autodestructeur de cette famille prend les allures d’une fresque dramatique qui, sur la base d’une histoire vraie, réinvente les racines des célèbres cartels qui marquèrent à jamais l’histoire de la Colombie. Et ce, sous la forme d’un véritable conte légendaire. Grâce à sa construction, d’abord, qui divise la narration en cinq actes, cinq « chants », mais aussi en réservant au cœur de son récit extrêmement réaliste une part importante aux rituels ancestraux et oniriques.
C’est cet équilibre délicat entre le naturalisme, avec lequel sont traitées aussi bien la reconstitution ethnologique que la guerre des gangs, et la plongée fantasmatique dans certaines scènes de rêve, qui motivent souvent les décisions des dirigeantes de ce système matriarcal, qui fait la beauté de ce film. On peut même parler de parfaite réussite, tant la créativité qui anime ce long-métrage parvient à prendre à revers nos idées préconçues par la simple évocation du narcotrafic, façonnées par plusieurs décennies de diverses fictions américaines.
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