Le 6 avril 2025


- Scénariste : Hosanna Chauvin>
- Dessinateur : Clothilde Chauvin
- Genre : Aventure
- Editeur : Casterman
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 26 mars 2025
Une audacieuse quête de reconnaissance sociale dans une Versailles réinventée.
Résumé : Dans un monde du XVIIème siècle où l’ascension et la chute sociale sont soumises à une hiérarchie bien précise et pécuniaire, la jeune Célimène compte bien parvenir jusqu’aux sommets de cette course aux honneurs qui repose sur les piastres accumulées...
Critique : Bâtir une uchronie sur un principe de modification du paysage est une valeur sûre, en modifiant la source d’énergie ou le vainqueur d’une guerre originellement perdue, c’est une chose. Construire une réalité altérée avec un profil similaire à la véritable Histoire – ici celle de la France de Louis XIV, avec son château de Versailles, les rues fangeuses parisiennes et des appartements cossus – est une autre paire de manche. En effet, Hosanna Chauvin a choisi de faire entrer une logique purement capitaliste du XXème siècle, la croisant avec ce principe antique du cursus honorum romain qui permettait de gravir les échelons et d’acquérir fortunes avec responsabilités, le tout dans la période de la monarchie absolue française. L’idée est bonne, mais c’est sa mise en place qui étonne autant qu’elle fonctionne : avec un système de curseur placé en haut de planche qui indique la mise à jour de l’échelle sociale, mais aussi des pièces qui tombent dans une escarcelle à la façon d’un jeu vidéo, on n’est pas loin de certains épisodes d’Il était une fois l’Homme. Cette division en chapitres et ces petites précisions graphiques permettent une lecture facile, qui accompagne celle dont on devine qu’elle finira au plus sommet, quitte à se brûler les ailes. Les moyens justifiés par la fin sont l’autre atout de ce roman de l’ambition, sur ce que La Bruyère dénonçait déjà en son temps : éviction de rivales, humiliations ou meurtres, usage de charmes ou de rumeurs, la palette est large et violente, et l’on notera que la fin se rapproche de celle des moralistes, comme La Fontaine ou Bossuet, puisque quelques uns font preuve de sagesse, de loyauté et sont cités en exemples. Le passage du duel d’orateurs est dans cette veine, qu’un Damasio ou un Perec n’auraient pas reniée...
© Casterman / Chauvin
Dans cette course effrénée et passionnante vers les sommets, c’est Clothilde Chauvin qui entraîne le lecteur à la suite de Célimène, celle qui de chiffonnière voudra s’élever jusqu’à duchesse, celle qui de la boue voudra l’or, quitte à tout risquer. Les personnages qui gravitent autour d’elle, sa mère et ce jeune talentueux mais sans ambition, permettent de mieux la cerner, la détester un peu, mais toujours en se disant qu’elle n’est finalement qu’un autre Rastignac ou Georges Duroy, comprenant cette ambition, jugeant ses excès, fustigeant l’ordre établi alors qu’elle ne cherche pas à le renverser, mais bien à le soumettre. Pour cela, le dessin se fait dur, sombre et pauvre, avant de monter en lumière et en décor, avant de montrer les jardins, les antichambres et les palais pour en faire une œuvre quasi historique.
© Casterman / Chauvin
Fable uchronique pleine d’un esprit moraliste et d’une vision de la société, entre La Bruyère et Laclos, Versatile prend le prétexte de l’argent pour échelonner les êtres d’une manière tangible, ce que toutes les société modernes ont d’ailleurs toutes fabriqué de manière consciente ou assumée.
160 pages – 25 €