Une affaire privée - la critique

Hommage aux séries noires d’antan avec un Thierry Lhermitte étonnant en privé je-m’en-foutiste.

L’argument : Six mois se sont écoulés depuis la disparition de Rachel Spirien. Le détective privé François Manéri reprend l’affaire à la demande de la mère de la jeune femme. Au cours de ses investigations, cet homme de l’ombre, riche d’une ex-femme et d’une maîtresse au mari jaloux, va rencontrer une multitude de personnages hauts en couleur, proches de la disparue : Clarisse, sa meilleure amie avec qui il s’acoquine, son ex-petit ami, son beau-père, ses voisins... Mais qui est réellement Rachel ?

Notre avis : En 1998, Guillaume Nicloux fait parler de lui avec Le Poulpe, film noir au ton cinglant et aux répliques mémorables ("A force d’enculer les poules, on finit par casser les oeufs !"). Quatre ans plus tard, il se replonge dans l’univers du polar noir avec Une affaire privée. Par la même occasion, il entraîne dans cette aventure Thierry Lhermitte, acteur rarement employé dans ce type de production. Ajoutez à cela le regard troublant de Marion Cotillard et un scénario bien ancré dans le réel, et vous obtenez un thriller aussi délicieusement tordu que surprenant.
Manéri est un privé dans toute sa splendeur : fouineur de première classe, peu loquace, fumeur invétéré et je-m’en-foutiste par excellence. C’est avec cette attitude qu’il va se mettre à la recherche de Rachel, disparue six mois plus tôt. L’occasion pour lui de dresser, au fil de ses interrogatoires, le portrait de cette jeune fille à la personnalité trouble...
Une affaire privée rejoint sans difficulté Scènes de Crimes de Frédéric Schoendoerffer dans la catégorie des récents bons polars à la française. Privilégiant l’efficacité au détriment des artifices, Guillaume Nicloux dépeint un monde de la nuit déstabilisant à souhait tant le réalisme est soigné (la boîte échangiste entre autres). Mieux encore, le réalisateur place directement le spectateur dans la peau de son personnage principal : on apprend les différents éléments de l’enquête en même temps que lui, ce qui accentue considérablement le suspense.

L’identification toutefois n’est pas si aisée étant donné la personnalité atypique de Manéri. Solitaire par obligation, il dégage une aura d’anti-héros complètement largué allant constamment à l’essentiel. Et dans ce rôle, Thierry Lhermitte, confiné dans son mutisme, brille d’intelligence. Il est, sans le vouloir, attachant avec sa gaucherie relationnelle, son cynisme de privé au bout rouleau. Au coeur de cette intrigue soignée à la perfection, seul le dénouement trop abrupt et surtout sans aucune autre explication laisse quelque peu à désirer.
Concernant le DVD, très peu de bonus viennent éclaircir l’univers imaginé par Guillaume Nicloux. Bandes annonces, galeries de photos, projets d’affiche du film : voilà pour les suppléments présents pour remplir le cahier des charges. Thierry Lhermitte, dans un entretien, revient sur sa présence dans ce genre de film, ainsi que sur la fin qui a surpris plus d’un spectateur (absolument voir les bonus APRÈS le long métrage). Il commente également quelques scènes qui n’ont pas survécu au montage final. Vous pourrez ainsi le voir en slip, bourré comme un Polonais, danser à contre-temps dans son salon (Un soir dans la vie de Manéri). Assez drôle...
Passé presque inaperçu lors de sa sortie en salle, Une affaire privée mérite sincèrement d’être (re)découvert en DVD. Une bonne intrigue avec un bon Lhermitte à contre-emploi, c’est assez rare pour être souligné. Par contre, évitez de le regarder si vous êtes en train d’arrêter de fumer ; il n’est pas un seul plan sans que Manéri grille son clope ; cela confine presque à l’écoeurement...