Le 18 janvier 2015
Dans un style arty, le romancier Viktor Johansson dresse le portrait sans fards d’une jeunesse suédoise laissée-pour-compte et désabusée. Ce premier long métrage ne fera pas forcément l’unanimité par son côté atypique mais il met clairement le doigt là où ça fait mal.
- Réalisateur : Viktor Johansson
- Acteurs : Ali Almaseri, Kerim Ashkar
- Genre : Drame
- Nationalité : Suédois
- Durée : 73 mn
- VOD : 1er décembre 2014
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Disponible en VOD depuis le 1er décembre 2014.
Dans un style arty, le romancier Viktor Johansson dresse le portrait sans fard d’une jeunesse suédoise laissée-pour-compte et désabusée. Ce premier long métrage ne fera pas forcément l’unanimité par son côté atypique mais il met clairement le doigt là où ça fait mal.
L’argument : Quelque chose est en train de bouger sous Gottsunda.
Des mouvements culturels alternatifs émergent comme des champignons.
La voiture en flamme dissimule un iceberg sous son édifice.
Un père apprend à sa fille à se débrouiller sans lui.
Un art martial militaire s’éveille dans les rues.
Les mômes de Palestine s’amusent au lance pierre.
2 garçons rejettent leur parents lors d’un rite initiatique.
Au travers d’un été nous suivons ces ados passe-partout au plus profond de leur terrier.
Notre avis : La Suède est l’un des pays les plus riches au monde par habitant. Elle est également très bien placée au niveau de l’indice de développement humain (IDH) et elle constituerait le pays le plus démocratique au monde. Voilà pour les informations générales qui sont aisément consultables. Mais cette description idyllique se reflète-t-elle effectivement dans la réalité ?
Se basant sur ses romans The Dark sport et Gottsunda, le Suédois Viktor Johansson ne semble manifestement pas du même avis. Dans son premier long métrage, sans avoir l’air d’y toucher, il livre une charge féroce à l’encontre des autorités étatiques.
Comme son titre l’indique Under Gottsunda se déroule à Gottsunda, une ville moyenne de 9.500 habitants. Tout paraît paisible dans cette cité urbaine. La mise en scène épouse en apparence cette idée. La caméra produit des mouvements fluides et réguliers qui donnent un sentiment de tranquillité. Par ailleurs, le réalisateur utilise à plusieurs reprises des ralentis, qui établissent un côté apaisé à l’ensemble. La bande sonore sert totalement ce dessein, avec une musique d’ambiance, quasi hypnotique.
Pourtant, ces choix ne relèvent pas d’une volonté propagandiste à l’égard de la Suède. C’est en fait une façon pour Viktor Johansson de prendre de la distance par rapport à son sujet, pour mieux frapper là où ça fait mal.
Car Gottsunda est loin d’être une ville modèle où tout le monde est riche et heureux. Viktor Johansson s’applique à le démontrer dans un style proche du documentaire. En donnant la parole à des jeunes, il s’évertue à tordre le cou aux idées reçues.
L’une des premières images du film montre une voiture qui a été brûlée. C’est une façon pour le réalisateur de rappeler les émeutes qui ont éclaté durant l’été 2013 dans des banlieues de Stockholm, dans les quartiers pauvres. Émeutes qui se sont renouvelées durant l’été 2014. Comme ces tensions ont été peu médiatisées, le cinéaste les relaie à sa façon. Et en laissant des jeunes s’exprimer sur le sujet, on nous rappelle que tous les adolescents de banlieues ne sont pas des vandales cherchant à brûler des voitures par esprit de contestation.
A Gottsunda, au vu des images qui nous sont proposées, on pourrait résumer ce long métrage par la célèbre formule “no future”. Viktor Johansson filme des lieux publics (des parcs, des parkings de centres commerciaux, des trottoirs, des terrains de basket, etc.) qui sont désespérément vides, en dehors des quelques protagonistes. Dans ce contexte, les structures urbanistiques laissent une impression évidente de froideur. On se croirait dans un endroit déshumanisé, sans vie. Le cinéaste a d’ailleurs la bonne idée de créer un contraste entre les éléments urbains et une végétation omniprésente. C’est comme si la nature avait repris sa place. On ne se croirait pas dans un des pays les plus développés au monde.
Dans une ville où le taux d’immigration avoisine les 50 %, les jeunes immigrés évoquent sans ambages leur mal-être. Qu’ils soient de n’importe quelle origine, tous sont blasés et dressent un portrait sans concession de leur ville. Ils mettent en avant la présence de sans abris, le fait qu’ils ne sont pas les bienvenus (ce sont des étrangers) et surtout que leur vie est sans avenir. Comme le dit l’un des jeunes, “la société nous a oubliés. Nous vivons à l’arrière de celle-ci.” Cette phrase donne tout son sens au titre du film : Under Gottsunda.
Dans ces conditions, la surabondance de ralentis prend une toute autre signification qu’au départ. Elle évoque l’ennui qui caractérise la vie de ces jeunes. Comme ils étouffent dans leurs habitations – leurs appartements paraissant très exigus – ils passent une grande partie de leur temps dehors. Mais comme ils n’ont pas grand chose à faire, ils font des tours de mobylette, dansent, simulent des combats dans la rue ou encore fument. Leur avenir est aussi sombre que l’horizon est absent, le cinéaste filmant constamment à hauteur d’homme. Le regard porté sur cette jeunesse écorchée vive n’est pas sans rappeler l’œuvre de Gus Van Sant, et notamment Paranoid Park.
Mais à la différence du chef d’œuvre du cinéaste américain, le premier long métrage de Viktor Johansson ne fera pas forcément l’unanimité. Certaines personnes pourront être rebutées par le côté déstructuré de l’ensemble ou au contraire par des redondances. Surtout, le rythme lancinant du film demande une certaine attention au spectateur. Enfin, l’approche “arty” (le jeune homme jouant au tennis au milieu des champs ; la jeune fille en mouvement avec une perceuse à la main) de Viktor Johansson peut tout aussi bien plaire que rebuter par son aspect décalé.
Dans tous les cas, ce premier long métrage a le mérite de porter un regard incisif sur une Suède où la richesse ne profite manifestement pas à tout le monde. A sa façon, en seulement 73 minutes, le cinéaste se fait le porte-parole d’une jeunesse à l’avenir incertain et que l’on a manifestement oublié au bord du chemin.
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