Un vrai faussaire - la critique + le test DVD

Notre avis : Regarder Un vrai faussaire, c’est pénétrer dans un univers totalement inconnu, celui du monde de l’art et de la faune qui gravite autour. À travers la truculence de Guy Ribes, pasticheur de génie, on visite un monde organisé, à mi-chemin entre les voyous à la Audiard et des collectionneurs chabroliens. Arnaqueur en série, il montait avec ses complices de magnifiques histoires, comme la « fausse veuve », qui enrobait d’un parfum romanesque -et finalement plus vrai !- un simple vol. On se perd un peu, pour dire le vrai, dans tous ces personnages qui semblent totalement dépourvus de morale (« il m’a volé, mais c’est normal, c’est mon ami ... »). On s’y perd d’autant plus que tout n’est peut-être pas vrai (mais qui dit la vérité ?) et qu’on a constamment l’impression que Ribes en rajoute (risque-t-il sa vie en parlant ? Quid des conditions de son arrestation ?). Bref, on navigue sans cesse dans un flou savamment entretenu par le bagout du faussaire.
Mais on l’avoue, le personnage nous touche davantage quand il parle de lui (une vie qui commence dans un hôtel de passe, rythmée par un meurtre commis par son père et des rencontres surprenantes), avec sa gouaille et sa verdeur, ou, surtout, quand il évoque (trop peu, hélas) sa technique : de la signature à l’envers aux jeux de lumière de Matisse, le pastiche devient une connaissance intime, à la fois consciente et intuitive, des œuvres. De même est-on fasciné par son geste sûr, qui crée devant nous un « Matisse » ou un « Picasso », plus vrai que vrai, puisqu’il n’est pas une copie mais un tableau que le maître aurait pu signer. On sent ici l’admiration de Jean-Pierre Léon pour cet art singulier, au moins autant que pour cet homme « bigger than life », aussi improbable qu’intrigant.

Copyright Jean-Luc Léon

Au fond, ce que ne cesse de questionner le documentaire, c’est la nature même de l’art : Ribes apparaît certes comme un connaisseur pointu, expert illégal, mais en quoi est-il ou non un artiste ? Son don fabuleux, méconnu jusqu’à son arrestation, fait-il de lui un grand peintre ? Évidemment, le génie d’un Picasso c’est l’invention, mais, à sa manière, Ribes invente, recrée, avec une force (et une facilité apparente) impressionnante. Autant dire qu’on est bluffé par ce personnage hors-normes, par sa technique et par sa mise en scène de lui-même ; on sent d’ailleurs de temps en temps des blessures, des fêlures, qui jamais ne sont exploitées par le réalisateur, et c’est sans doute tant mieux : l’aura du peintre en ressort grandi.

Copyright Jean-Luc Léon

Comme très souvent dans ce type de documentaire, la mise en scène est assez transparente, succession d’entretiens frontaux ou, parfois, de plans de coupe sans intérêt. Hormis les moments où Ribes peint, on est à peu près dans de la radio, sa logorrhée constituant l’essentiel du métrage. Reste que le témoignage, rare bien sûr, d’un tel faussaire a de quoi largement suffire à notre bonheur. Peut-être faut-il ajouter que, peu ou prou, on se sent parfois complice de ce trouble-fête qui vient perturber un monde dominé par la finance plus que par la passion et qu’on est bien content qu’avec ses mauvaises manières il en remontre à des experts comme à de riches collectionneurs ; bien qu’il s’y soit considérablement enrichi lui-même, il conserve un côté Robin des Bois loin d’être désagréable.

Les suppléments :
Outre la bande-annonce et un court « résumé » du film à la première personne (Dans l’atelier, 5 minutes), le bel emballage du DVD contient un livret intéressant avec des précisions sur le film, le faussaire et un entretien avec le cinéaste.

L’image :
La copie restitue fidèlement une image télévisuelle, souvent plate et sans recherche.

Le son :
La seule piste disponible reste dans les limites des conditions d’enregistrement, les paroles sont claires, même la respiration du peintre en action a de la présence.