Le 4 juillet 2024
- Dessinateur : Jaime Martin
- Collection : Aire Libre
- Genre : Aventure, Drame, Société
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 7 juin 2024
Une virée dans le temps et les Pyrénées par d’obscurs et féminins chemins...
Résumé : Au XIXe siècle, dans les vallées les plus reculées des Pyrénées espagnoles, Mara est plus connue comme une sorcière qu’une guérisseuse, surtout depuis son veuvage. Lorsqu’elle découvre une jeune femme bien habillée évanouie dans la neige, le surnaturel pourrait bien la gagner...
Critique : Après sa trilogie de romans graphiques centrés sur le franquisme, on aurait pu se dire que Jaime Martin avait atteint le Graal de tout auteur, une sorte de zénith de création qui lui intégrerait une place au panthéon de la BD tout en suggérant que ce qui viendrait après ne pourrait être que moins bon. Avec Un sombre manteau, l’auteur balaye d’un coup de crayon cette hypothèse, faisant de cet album un nouveau pic créatif, et ce pour plusieurs raisons. Le choix d’un voyage plus long dans le temps, quelque part au XIXème siècle, un peu avant 1885 puisque le vaccin contre la rage est en cours de préparation, l’obligeait finalement à davantage de travail que reconstituer une Movida qui s’est achevée il y a peu, et qui a une documentation fournie. Pour recréer un village, avec ses habitudes, ses traditions et son état d’esprit, il fallait donc innover, pousser plus loin. Ce lointain se retrouve d’ailleurs dans le choix du lieu, avec cette vallée enclavée, isolée de tout, qui fait office de limite naturelle du monde (la France n’est pourtant pas si loin), barrière entre l’homme et la nature sauvage, où une femme veut continuer de vivre, malgré la vieillesse, malgré les jugements, ces derniers étant les pires. Enfin, ce scénario latent, qui se sert de petits fragments de genre : policier, avec cette enquête montrant un gendarme que l’on imagine bien chez Giono, fantastique, avec cette apparition de loup, métaphore ou allégorie de la rage et de la mort, et récit familial, avec ces deux âmes qui se rencontrent pour partager leurs malheurs passés davantage que leurs rêves de futur. Et dans ce tourbillon d’émotions, une enfant malade, cristallisation d’injustice d’un monde inique, reclus et intolérant, qui laisse le lecteur sans voix face à un passé qui n’a rien de superbe, mais d’une histoire qui a tout du chef d’œuvre.
- © Dupuis / Martin
Pour évoquer ces Pyrénées entre paysage sublime et nature hostile, le dessin a plutôt tranché en faveur de ce second aspect. Les pages font la part belle aux rochers escarpés et grisâtres, avec des arbres noueux et trop humides pour un bon feu, avec des bories de bergers, des masures rustiques et des sentiers boueux, autant d’éléments qui donnent une ambiance terne comme si, à l’image du titre, un sombre manteau avait recouvert des montagnes qui n’ont pas ici le vert fabuleux et le ciel bleu d’un roman de George Sand. Non, il s’agit ici bien de vivre entre ces flancs rocheux, inhospitaliers pour celle ou celui qui les connait, mais les a seulement un peu amadoué, et les gens qui se frottent à cet environnement tendent à devenir comme lui : à la vision de cette belle dame venue de la ville, les autres jeunes femmes se plaignent et le montrent d’ailleurs, elles ont les mains calleuses, les cheveux rêches, les vêtements sans lustre. Pourtant, la robe qu’elle portait n’était que d’un noir de funérailles.
- © Dupuis / Martin
Album d’une beauté rare car dissimulée sous une carapace pyrénéenne craquelée, avec un scénario qui mélange les genres sans les amener trop, pour n’en ressortir que l’émotion pathétique pure, Un sombre manteau est peut-être le meilleur album produit par Jaime Martin, du moins pour l’instant.
104 pages – 21,95 €
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Galerie photos
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