Un jour à New York - Stanley Donen, Gene Kelly - critique

Critique : Trois ans avant Chantons sous la pluie, chef-d’œuvre absolu de la comédie musicale, il y eut ce plaisant Un jour à New York, réalisé par le même duo, Stanley Donen et Gene Kelly. C’est leur premier film, adaptation en studio essentiellement d’un spectacle, avec une musique signée en grande partie par Leonard Bernstein. Sur une narration plus lâche que celle de Singing in the Rain, il n’en demeure pas moins un festival énergique d’idées colorées, que magnifie un technicolor opulent (ah ! Les robes des dames, conçues pour être autant de taches soyeuses !) Les numéros s’enchaînent, des plus drôles (celui du musée est irrésistible) aux plus tendres. Mais toujours inventifs et d’une bonne humeur communicative.

© 1949 MGM. Tous droits réservés.

Dès le début, le film repose sur une idée simple, sorte de philosophie minimale : profitons du moment, il est bien court (un jour seulement pour vivre une vie). Mais peu à peu, le scénario (cosigné par Adolph Green) ajoute une critique de la superficialité (la « célébrité » de Miss Tourniquet) et du snobisme (le bar et ses cocktails raffinés, auxquels le groupe préfère une bière). Car, au fond, comme dans un Capra, Un jour à New York célèbre la vie simple, celle des petites gens ; l’idéal est une existence tranquille dans une petite ville où le policier n’arrête personne et dont l’horizon s’arrête à la rue principale. Dans ce monde réduit à une caricature de l’american way of life, l’art contemporain est évidemment une supercherie (un marin retourne un tableau abstrait), les couples sont prédestinés et le seul enjeu est de les réunir. Quant à la femme, il est évident que sa place est à la maison : celle qui conduit le taxi est accueillie avec surprise car « la guerre est finie ».

© 1949 MGM. Tous droits réservés.

Mais, on s’en doute, ce n’est pas pour ses idées que le film enchante : la grâce de Gene Kelly, le charme de Sinatra, les élégances féminines, la drôlerie du troisième marin, interprété par Jules Munshin, sorte de Harpo Marx hébété, et surtout, les numéros musicaux, menés tambour battant, représentent le meilleur d’un cinéma classique tout entier dévoué au divertissement. Selon son humeur, on préférera le ballet sérieux avec mise en abyme rêvé à partir d’une affiche, ou d’autres, plus souriants (les marins déguisés en danseuses orientales), tel chant mélancolique ou le duo dans le taxi. Qu’importe : dans une lumière éclatante et irréelle, avec couleurs somptueuses, c’est une leçon de bonheur et d’optimisme qui est administrée et la scène finale passe le relais à d’autres marins, tandis que la caméra s’élève pour un adieu qui est aussi une promesse.