Le 21 janvier 2024
En suivant le parcours d’un jeune Français moyen dans une banlieue anonyme des années 1980 à nos jours, Diastème sort de l’anonymat une période quelque peu oubliée et qui éclaire les mutations en cours dans la société française d’aujourd’hui.
- Réalisateur : Diastème
- Acteurs : Patrick Pineau, Olivier Chenille, Paul Hamy, Alban Lenoir, Jeanne Rosa, Lucie Debay, Samuel Jouy
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Mars Distribution
- Durée : 1h38mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 10 juin 2015
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Résumé : Marc Lopez est un jeune homme ordinaire, qui vit dans une famille modeste à un étage élevé d’un immeuble gris de la banlieue profonde parisienne. Dans son quartier, qu’il ne quittera jamais vraiment tout au long du film, il traîne avec sa bande de potes violents et racistes, et vit la vie d’un jeune skinhead ordinaire entre ratonnades, collage d’affiches pour le Front national, pogos dans les caves et bagarres entre bandes rivales. Petit à petit, il tentera de s’extirper de ce monde de haine et de brutalité pour tenter de vivre une vie simple avec femme et enfants, mais son passé ne cessera de le rattraper, comme pour lui faire payer d’être né au mauvais endroit à la mauvaise époque.
Critique : À l’instar de Cédric Anger en 2013 dans La prochaine fois je viserai le cœur, Diastème nous narre l’histoire d’un type sans grade, sans passé ni avenir, qui tente de faire quelque chose de sa vie d’adulte après avoir raté sa jeunesse. Dans la première partie du film, la plus forte, Diastème utilise de longs plans-séquences (souvent filmés de derrière le crâne du héros à la manière de Gaspar Noé dans Enter the Void) pour décrire un univers triste et bouché que le protagoniste, Marc Lopez (Alban Lenoir, un concentré de violence prêt à exploser à la moindre frustration), arpente sans jamais pouvoir y trouver sa place. Piégé dans un imaginaire, celui du skinhead, qui n’est pas le sien, lui petit Français issu d’une famille pauvre où la mère repasse et cuisine et où le père rentré bourré tous les soirs, tente de s’affirmer en cassant du bougnoule et du noir, et en affirmant une identité française mise à mal par ces mêmes Français, dits de souche, qui ne se reconnaissent pas dans son action et le rejettent. Au cours d’une belle scène dans un bus où le regard plein de mépris d’une jeune femme va littéralement lui faire sortir sa haine de son ventre, il commence à prendre conscience de la nocivité de ses actes et atterrit chez un pharmacien de quartier qui va l’aider à appréhender l’humanité de manière plus apaisée.
Dans sa seconde partie, celle de la rédemption, le film progresse bizarrement au moyen d’ellipses assez brutales qui donnent l’impression que Diastème veut faire passer des messages sur notre monde actuel sans faire trop durer son film pour ne pas perdre l’attention du spectateur. Ainsi, le film passe d’une réunion FN dans un hôtel particulier à une plage de Guadeloupe où le personnage central se rend compte qu’il peut fraterniser avec des Français noirs devant la victoire de la Coupe du monde 98 parce qu’après tout, ces gens-là sont tout de même Français. Et puis ensuite les scènes s’enchainent assez rapidement pour que notre homme finisse par toucher le fond en perdant coup sur coup sa femme, sa fille et ses potes d’enfance (voir la scène assez forte où il revoit son ami d’enfance devenu cadre du FN, qui lui reproche d’avoir trahi ses idéaux de jeunesse et le frappe… mais pas trop longtemps pour ne pas attirer l’attention des caméras et abîmer l’image du parti « raciste » devenu « nationaliste »).
S’il souffre d’une facture assez quelconque avec sa photographie sans éclat et ses seconds rôles peu développés, le film a le mérite assez rare de filmer du point de vue d’un sans grade, d’un damné de la Terre dont on ne parle pas dans la presse, et qu’on ne prend plus en compte dans l’organisation de nos vies marchandes. Le film n’est jamais aussi beau que quand il montre les petites défaites ordinaires d’une vie sans gloire : enterrer sa mère seul sous la pluie, enlever la clope de la bouche de son père mourant d’un cancer du poumon, « profiter » de la disparition de ses parents pour récupérer leur appartement et se résoudre à poursuivre la même existence morne.
On sort de la projection avec l’impression mitigée d’avoir assisté à un film qui passe un peu à côté de son sujet à force de vouloir trop en dire. Reconnaissons-lui, au moins, le mérite de nous faire comprendre comment et pourquoi cadres et électeurs du FN viennent du même endroit, ce qui les rend plus forts et donc plus dangereux.
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