Le 7 mai 2021
Dans son dernier ouvrage, Un été avec Rimbaud, paru le 5 mai 2021, Sylvain Tesson nous convie à suivre ses traces qui emboîtent celles du célèbre poète. C’est une invitation au voyage qui ne saurait se refuser, surtout par rapport aux difficultés que nous traversons.
- Auteur : Sylvain Tesson
- Collection : Un Eté Avec
- Editeur : Editions des Equateurs
- Genre : Essai
- Nationalité : France
- Date de sortie : 5 mai 2021
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Au temps où le monde était paralysé par un virus chinois, Sylvain Tesson a cheminé une saison avec Arthur Rimbaud. La marche - état suprême de la poésie - est, avec la littérature, l’antidote à l’ennui. {Un été avec Rimbaud} est à l’origine une série d’émissions diffusées sur France Inter à l’été 2020.
Critique : Le livre s’ouvre sur le voyage de Sylvain Tesson, accompagné de son ami Olivier Frébourg, sur les traces d’Arthur Rimbaud. Non pas en été, mais au début de cette année 2021, avant que la France ne se fige de nouveau. Sylvain Tesson aspirait sans doute à éprouver, cent cinquante ans après la première fugue d’Arthur Rimbaud (octobre 1870), ce qu’avait pu ressentir le jeune poète, épris de liberté, et fuyant sa mère, cette célèbre "bouche d’ombre." Il suffit de se remémorer Ma Bohême pour saisir ce qu’il y avait de doux et d’exaltant dans ce premier périple, qui allait en préfigurer d’autres, de la France à l’Europe, puis de l’Europe à l’Afrique. Sylvain Tesson, lui-même un éternel voyageur, pouvait-il faire autrement pour aller à la rencontre de l’écrivain ? "La poésie de Rimbaud décoche des bouquets de feu", écrit l’auteur. La phrase est joliment tournée pour résumer celui qui a rédigé Les lettres du voyant. Ce voyant n’est-il pas le voleur de feu originel ? Après avoir fait parler la poésie, Arthur Rimbaud, ne s’est-il pas exprimé en faisant parler la poudre, lui, le trafiquant d’armes en Abyssinie ?
Remontons aux origines de cet enfant terrible, devenu iconique malgré lui, comme Ernesto Che Guevara. La plume de Sylvain Tesson nous décline en brefs chapitres la jeunesse d’Arthur Rimbaud dans la première de ses trois parties : Le chant de l’aurore. Le futur aventurier est un élève modèle, paré de récompenses à la hauteur d’une formation classique dans laquelle il excelle. Ses premiers vers en latin sont époustouflants. "Rimbaud est le monstrueux prématuré de la poésie, expulsé de la cuisse du Verbe, venu au monde déjà casqué", écrit Sylvain Tesson. Le prodige ne doute pas un instant de sa vocation. Il sera certes poète, mais pas de salon. Rimbaud, avec Le Bateau ivre, fait forte impression dans les cénacles parisiens, mais comme il l’écrit lui-même : "On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans." Son comportement, délesté du poids des bonnes manières, est loin de faire l’unanimité. Quelques-uns passeront outre aisément, étant donné son génie, comme Cros, Mallarmé et Verlaine. Rimbaud n’était-il pas trop en avance sur l’avant-garde, pour reprendre un titre de chapitre facétieux de Sylvain Tesson (page 53) ?
Dans la seconde partie, Le chant du verbe, nous réalisons à quel point des expressions rimbaldiennes sont restées gravées dans nos mémoires avec un magnétisme incroyablement puissant : nous pouvons citer "abracadabrantesques" ou "l’amour est à réinventer".
L’artiste est passé à la postérité grâce à elles, qui s’apparentent à de véritables slogans. Mais il conviendrait d’embrasser tout ce qu’il a écrit. Il y a quelque chose qui relève du pacte faustien chez Rimbaud. Arthur est un être complexe : "Le "je est un autre" ressemble à un hoquet schizoïde", nous confie Sylvain Tesson. Et l’auteur d’ajouter : "Quand on est double, il y a toujours une part de soi pour vouloir la peau de l’autre." Si Rimbaud traverse Une saison en enfer, nous savons que toute saison est éphémère. Après, l’artiste part définitivement loin, très loin : "Dans le pays sauvage ! Oui, Arthur ! Achète-toi un cheval et tire-toi : c’est ce que devraient faire tous les poètes. La vérité s’écrit plus sur le sable que sur le papier ! Lawrence d’Arabie l’a prouvé sous le même soleil, quarante après toi ! Après Sambre et Meuse : sueur et sang !"
La troisième partie, intitulée Le chant des pistes, pourrait être un éloge de la marche. Arthur Rimbaud l’a pratiquée avec assiduité, Sylvain Tesson s’y adonne avec une passion quotidienne. En effet, il nous dit : "Le mouvement procure l’idée et pourvoit aux images. La fécondation de l’inspiration par le muscle est vieille comme la poésie chinoise déambulatrice ! Technique du Christ, certitude romantique, intuition rousseauiste, confirmation rimbaldienne, lieu commun d’aujourd’hui : la marche est la thermodynamique de la pensée. Un kilomètre égale un vers ! L’équation est dans Ma bohème. Souvenez-vous de Rimbaud qui s’exprime ainsi dans ce poème : "Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course des rimes."
Sylvain Tesson s’attarde aussi sur le mutisme soudain de Rimbaud dans le chapitre Pourquoi le silence ?. Il est épaté par une contradiction sonnant comme une "noble anomalie" : l’accession de Rimbaud à la "postérité totale", en dépit de la "minceur de la production" de ce dernier. Il faut remonter à Héraclite, selon lui, pour assister à une telle similitude. Ce silence mystérieux est à respecter plus qu’à expliquer en vain.
217 pages - 14.50 €
11 x 17 cm
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