Cherchez la bête
Le 19 juillet 2005
Le porc, le loup et l’abeille au service de la pensée.


- Auteur : Robert Maggiori
- Editeur : Julliard

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Entre la philosophie et la vie des bêtes, il n’y a qu’un pas. Les plus grands penseurs l’ont franchi et Robert Maggiori a pris le soin de le relever, parce que "dans ce que l’homme dit de la bête, il y a toujours quelque reflet de ce qui se cache dans son âme". Au cours de l’été 2004, ce journaliste à Libération a signé une série de chroniques intitulées Un animal, un philosophe, compilées et éditées dans un petit ouvrage du même nom. Un condensé de sagesse dans lequel on pioche avec plaisir, certaines fois plus que d’autres.
La faune est vaste, les champs de la pensée aussi, et la raison n’empêche pas Kant de délirer sur l’éléphant, ni Albert le Grand de voir dans le rhinocéros, au XIIIe siècle il est vrai, un adorateur des jeunes vierges aux côtés desquelles il aime se coucher. Moins légère, la convocation par Machiavel du porc pour mettre en doute la supériorité de l’homme ("Le porc ne tourmente pas le porc, ni le cerf le cerf. Seul l’homme tue l’homme, le martyrise, le dépouille") ou celle, par Holbach, du loup pour souligner que Dieu n’a sa place ni dans l’homme, ni dans la nature : remerciant Allah pour toutes les bontés qu’il apporte sur terre, un voyageur découvre un jour une plaine dévastée où des milliers de cadavres humains servent de festin aux loups ; il entend alors l’un d’eux louer Allah pour avoir fait des hommes des êtres qui s’entretuent et qui leur servent de repas. Impossible, parmi les 36 chroniques de ce recueil, de ne pas citer celle consacrée à Lévinas. Déporté dans un stalag proche de Bergen-Belsen, dépouillé, avec ses compagnons d’infortune, de sa "peau humaine", le philosophe ne trouva une lueur d’humanité que dans le regard du chien Bobby : "Pour lui - c’est incontestable - nous fûmes des hommes."
Robert Maggiori, Un animal, un philosophe, Julliard, 2005, 160 pages, 18 €