Le 2 juillet 2024
Une œuvre majeure d’un grand cinéaste méconnu, teen movie déroutant maîtrisant l’art du huis clos en plein air et proposant une métaphore des névroses de la société nipponne.
- Réalisateur : Shinji Sōmai
- Acteurs : Tomokazu Miura, Yuichi Mikami, Yūki Kudō, Shigeru Kurebayashi, Yuka Ōnishi, Tomoko Aizawa
- Genre : Drame, Romance, Teen movie
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Survivance Distribution
- Durée : 1h55mn
- Titre original : Taifū kurabu
- Date de sortie : 3 juillet 2024
L'a vu
Veut le voir
– Année de production : 1985
Résumé : Un vent puissant se lève sur une petite ville près de Tokyo. Alors que des lycéens sont en chemin pour l’école, un typhon approche. Ignorant l’ordre d’évacuer le lycée, quelques élèves décident de se confiner dans l’établissement. Une parenthèse cruelle, délurée et dansée s’ouvre et se ferme le temps d’une nuit d’été et de tempête.
Critique : Assistant réalisateur ayant travaillé pour la société Nikkatsu, Shinji Sōmai a tourné son premier film en 1980 et est prématurément décédé en 2001, à une période où les spectateurs occidentaux découvraient surtout les cinémas de Takeshi Kitano ou Takashi Miike. Pour la seconde fois, Survivance Distribution sort en salle un long métrage de cet artiste à propos duquel Kiyoshi Kurosawa précise qu’il était « peut-être le dernier grand maître de l’histoire du cinéma japonais ». En octobre 2023, les spectateurs français découvraient sur les grands écrans Déménagement (1993), récit décalé axé sur une petite fille bouleversée par le divorce de ses parents, l’un des films préférés de Hirokazu Kore-eda. Neuf mois plus tard est distribué Typhoon Club, réalisé en 1985, septième œuvre de Sōmai qui en a signé douze. Et c’est cette fois Sean Baker, lauréat de la Palme d’or 2024 pour Anora, qui la cite comme l’une de ses références. Il faut absolument aller voir cette pépite qui n’est pas d’un accès facile au premier abord. Les personnages (essentiellement de jeunes ados) sont plutôt nombreux, et la narration n’est pas exclusivement linéaire. Ce n’est pas que Shinji Sōmai adopte un montage bousculant la dimension temporelle (il n’y a par exemple guère de flash-back) et il ne se projette pas non plus dans l’inconscient de ses protagonistes.
- © 1985 Directors Company © 2024 Survivance. Tous droits réservés.
Il n’en demeure pas moins que Typhoon Club anticipe la structure d’un mini-film choral, alternant (plus que mélangeant) les genres, passant rapidement de la comédie au drame, avec une ébauche de récit conjugal, et l’utilisation d’un teen movie revisité, les principaux personnages étant de grands collégiens. L’annonce d’un typhon, phénomène météorologique pourtant banal au Japon, y compris dans les années 1980, va être le catalyseur de sentiments étranges au sein des membres de cette micro-communauté. Si les adultes sont des figures secondaires dans le récit, ils n’en sont pas moins marquants, à l’image de ce professeur de mathématiques rigoureux et exigeant, qui voit l’intrusion de sa future belle-mère, débarquant à l’improviste dans son cours pour lui demander de donner des comptes sur ses relations avec sa compagne. Mais ce sont surtout les jeunes que va scruter la caméra de Shinji Sōmai. Des jeunes en apparence bien élevés et tout juste tentés par les digressions inhérentes à l’adolescence, et qui vont révéler des pulsions d’une noirceur totale, de la volonté de noyer un camarade à une tentative de viol, en passant par le suicide par grand plongeon.
- © 1985 Directors Company © 2024 Survivance. Tous droits réservés.
En même temps, leur déviance est parfois tuée dans l’œuf, telle celle de cette jeune fille voulant fuguer mais dont l’errance dans les rues de Tokyo ne mènera à rien. Shinji Sōmai semble établir une métaphore des contradictions de la société japonaise, entre grandeur et frustrations, et évoque les névroses d’une culture codifiée qui peine à garantir l’épanouissement de tous ses membres, tout en valorisant des principes nobles et respectables. La mise en scène, arborant plusieurs axes esthétiques, met l’accent sur les ellipses narratives autant que les plans-séquences suggestifs ou explicatifs, comme pour faire prendre conscience au spectateur de la complexité des relations humaines. L’œuvre culmine avec une chorégraphie qui vaut moins par sa dimension musicale et physique que par sa capacité à incarner la catharsis. Laissez-vous donc porter par cet objet filmique non identifié interprété notamment par Yūki Kudō, la future jeune touriste japonaise de Mystery Train de Jarmusch.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.