Pas facile d’être une jeune comédienne méconnue par les temps qui courent. La jeune provinciale de Trompe l’amour le sait bien. Courir de casting en casting, enchaîner les petits boulots de serveuse ou de vendeuse pour boucler les fins de mois... on est loin du rêve hollywoodien : un parcours somme toute banal. Jusqu’au jour où elle répond à une curieuse annonce : on recherche des acteurs capables de "devenir l’être cher de quelqu’un". Un mystérieux Abel lui fait passer un test d’embauche et l’accepte dans son entreprise de location de personnes. Rien à voir avec une agence d’escorts : au fil des contrats, l’héroïne se fait petite amie idéale, fille chérie disparue ou meilleure copine. Mais à multiplier les prestations, la frontière entre le vrai du faux, la fiction et la réalité tend à disparaître, surtout lorsque Abel lui demande de jouer sa fiancée enceinte.

De façon très perverse, Cédric Prévost réussit à brouiller les repères du lecteur. Et le procédé fonctionne. Subtilement, la progressive perte d’identité du personnage fait écho à la désagrégation du monde. À un début plutôt drôle, qui fait se succéder des rencontres incongrues, répond une réflexion sur la difficulté à être soi-même : la scène du théâtre se fait métaphore de la sphère sociale et cette petite leçon de comédie n’est plus si amusante finalement, elle en devient même douloureuse car on ne joue pas impunément avec les sentiments.