Trois coeurs - la critique du film

Benoît Jacquot réalise un film inégal mais servi par de bons acteurs.

L’argument : dans une ville de province, une nuit, Marc rencontre Sylvie alors qu’il a raté le train pour retourner à Paris. Ils errent dans les rues jusqu’au matin. Quand Marc prend le premier train, il donne à Sylvie un rendez-vous à Paris, quelques jours après. Ils ne savent rien l’un de l’autre. Sylvie ira à ce rendez-vous, et Marc, par malheur, non.

Notre avis : Trois cœurs, deux histoires d’amour... C’est à partir de cette équation intéressante, et a priori prometteuse, que Benoît Jacquot réalise un film inégal et décevant, tant par son scénario que par sa facture. L’histoire en effet, se tisse autour d’un malentendu : un homme rencontre une femme dont il tombe amoureux, mais qu’il perd de vue suite à un rendez-vous manqué. Par hasard, il rencontre sa sœur qu’il épouse... avant de retrouver quelques années plus tard l’être follement aimée. Si la proposition ne manque pas de potentiel (le triangle amoureux rappelle Hitchcock...), en revanche de trop nombreuses invraisemblances se greffent à la trame initiale, et d’autant plus visibles que le réalisateur s’évertue à les justifier. Par exemple, Marc observe chez sa belle-mère des photographies familiales ; au moment où il s’apprête à découvrir un portrait des deux sœurs - et donc, la vérité - on l’appelle et il doit redescendre. Idem lorsque le même Marc s’efforce de demeurer invisible aux yeux de Sylvie, qui "skype" avec sa sœur (elle est aux USA). Et le film de multiplier ce genre d’esquives malencontreuses. Le scénario en devient longuet, et l’aboutissement tragique de l’histoire, trop longtemps différé, est comme étouffé par de trop nombreuses ficelles.

On appréciera toutefois les performances du trio central, qui parvient à insuffler à l’ensemble une certaine émotion. Et Catherine Deneuve excelle dans le rôle de la belle-mère bourgeoise, aimante mais pleine de sarcasmes. Plus généralement, il faut reconnaître à Benoît Jacquot un talent certain pour orchestrer les moments d’humour, et une certaine aisance pour glisser d’un registre à l’autre. Mais le film, servi par une mise en scène trop démonstrative (les personnages regardant leur téléphone, s’envoyant des sms, etc.) décevra les amateurs d’un cinéaste au demeurant éclectique et talentueux.