Le 15 mars 2019
Objet de cinéma tantôt classique tantôt surprenant, Triple Frontière accuse le coup de sa gestation difficile avec une narration poussive mais vecteur d’une intelligence inattendue dans le traitement.
- Réalisateur : J.C. Chandor
- Acteurs : Ben Affleck , Charlie Hunnam, Oscar Isaac, Garrett Hedlund, Pedro Pascal
- Genre : Action, Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Netflix
- Durée : 2h05mn
- VOD : Netflix
- Titre original : Triple Frontier
- Date de sortie : 13 mars 2019
Résumé : D’anciens soldats des forces spéciales peinant à joindre les deux bouts se réunissent pour préparer un coup risqué : piller un baron de la drogue sud-américain.
- Copyright : Netflix
Notre avis : A la base porté par le duo acclamé Kathryn Bigelow / Mark Boal, Triple Frontière aura subi un véritable parcours du combattant avant de finalement voir le jour sous la maison Netflix, gourmande lorsqu’il s’agit de concrétiser des projets difficiles dont peu de studios veulent. Repris par J.C. Chandor, ce projet vieux de près d’une décennie ne sort pas indemne de ses multiples passations, ballotté entre plusieurs réalisateurs, producteurs et acteurs ; et c’est sûrement de ce chaos que s’extirpe l’étrangeté de cette œuvre, portée par différentes fortes personnalités artistiques. De Mark Boal on reconnaît tout de suite l’immersion procurée par une écriture suintant la véracité et la forte proximité avec son sujet, marquée par une scène d’introduction ludique, rentre-dans-le-lard, qui n’est pas sans rappeler le retour à la "maison" dans Démineurs, film écrit par... Mark Boal. Passée sous la moulinette de bien des années et de plusieurs réécritures, dont celle(s) de J. C. Chandor, la justesse de Mark Boal vacille ici par une lourdeur explicite à ressasser le passé de soldat de ces personnages. Comme si finalement la justesse du scénariste des derniers films de Bigelow ne s’accordait pas forcément avec celle du réalisateur de All is Lost, la première partie de Triple Frontière souffre de cette dualité, de cette symbiose défaillante entre les deux têtes pensantes importantes du projet. La série B qui se profilait par l’introduction des personnages et de leurs interactions, source de bonne dose de testostérone non-maîtrisée, se dissout alors que le film choisit délibérément de ne pas s’attarder sur l’attendu en évacuant le sang, la baston et les fusillades. Dans ce projet, ce n’est pas ce qui intéresse J. C. Chandor, auteur d’un véritable scriptjacking imparfait mais passionnant.
- Copyright : Netflix
Dans la continuité de son travail entrepris depuis Margin Call, le réalisateur américain fait de Triple Frontière le véhicule synthétique de ses trois précédents films, autant en prolongeant son propos sur la puissance dévastatrice de l’argent qu’en recyclant son style dans un projet que l’on pensait antagoniste à son travail sur le rythme. Comme avec la comparaison entre All is Lost et Margin Call, il ne faut pas s’arrêter sur les différences évidentes qu’il existe entre ce film de casse et les autres œuvres de Chandor car ce serait occulter son talent pour réintégrer ses obsessions dans un projet qui ne l’appartient pas en premier lieu. Alors que Triple Frontière était le théâtre d’un tiraillement fort entre plusieurs volontés, le braquage matérialise le basculement du film vers une appropriation totale par son dernier auteur du potentiel de cette histoire. Avec une précision froide et tendue, le cambriolage de milieu de film exalte la méticulosité de ces militaires, tels les Navy Seals dans le final de Zero Dark Thirty, par une mise en scène ambiguë, à cheval entre être un vecteur du contrôle (illusoire) des personnages sur une situation qui dérape et vecteur de malaise devant le pouvoir malsain qu’exerce l’argent sur ces soldats. Après Margin Call et A Most Violent Year, J. C. Chandor continue d’aborder la décadence sous le prisme de l’addiction aux dollars et passe par le survival, ce qu’était All is Lost, pour la représenter.
- Copyright : Netflix
Catalyseur des défaillances d’un pays capitaliste transmettant l’appât du gain à sa population, Triple Frontière fonde par des images fortes une critique acerbe de cette mentalité et de ce qu’elle peut provoquer. A travers un plan, un regard, le film exprime ce qu’aucun mot ne pourrait exprimer avec la même puissance sur les conséquences de l’histoire américaine contemporaine des relations internationales. En enseignant la culture de l’argent, les États-Unis ont enseigné la culture de la haine. Le pays qui se prétend gendarme du monde en prend pour son grade à travers cette équipe de soldats aux actions plus que contestables, symbole d’un pays qui n’a eu de cesse de fourrer son nez et ses armes dans diverses régions du monde pour en tirer un profit personnel. La personnification de cette politique à travers les cinq personnages principaux fonctionne parfaitement, notamment parce qu’elle n’oublie pas d’amorcer le retour de bâton des actions de ces militaires marginaux dé-héroïsés. Dommage dès lors que Triple Frontière n’aille pas jusqu’au bout de sa logique et renoue avec un classicisme plus prononcé lors de son final, entraînant mais un peu plus creux. Si le propos en perd de sa verve, il ne faut pas non plus enlever la belle retenue avec laquelle se termine le film, aboutissement de l’histoire en forme de happy end en demie-teinte. A l’image du film qui tient quasi-constamment à jouer sur plusieurs tableaux, c’est à un compromis auquel on assiste dans les dernières minutes, celui entre une fin mainstream et une conclusion pertinente au sous-texte développé par J. C. Chandor. Triple Frontière ne contente ainsi jamais vraiment personne au visionnage mais reste un morceau de cinéma hybride étonnant.
- Copyright : Netflix
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bbjj83 6 juin 2020
Triple Frontière - la critique du film
un bon casting. pas de temps mort. j’ai bien aimé. même si c’est du déjà vu. la mafia, de l’argent facile, une bande potes qui se retrouvent. j’ai passé un bon moment.