Le 28 août 2020
Dans un format court mais percutant, Tribunes Libres – la culture ultra parvient à élever le débat et à éclairer les points de vue sans les imposer, avec brio.
- Réalisateurs : Dimitri Kourtchine - Pauline Horovitz - Maxence Voiseux - Mohamed El Khatib - Frédéric Hocké
- Nationalité : Français
- Distributeur : FranceTV, Arte
- Durée : 7x9'
- Date de sortie : 26 août 2020
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Résumé : La culture ultra dans le football fait parfois peur. Souvent caricaturés, par essence excessifs, parfois difficilement défendables, les ultras font pourtant partie intégrante du monde du ballon rondl. Plus encore : en eux, réside l’âme d’un club, qu’ils supportent à la vie à la mort, quels que soient ses résultats. Certains vous diront que c’est une histoire d’amour entre une équipe et ses fans. Tous confirmeront que leur engagement dépasse de loin le cadre du sport. Cinq réalisateurs ont suivi des supporters de Bordeaux, de Liverpool, de Marseille, de Lyon, de Lens, du Shakhtar Donetsk, et de Saint-Etienne.
Critique : La première sensation qui saisit, dès les premières minutes de cette websérie, c’est la surprise. En effet, la culture ultra peut intriguer, mais on est en droit de se demander comment, en sept épisodes, il sera possible de ne pas se répéter, ou encore de sortir du cadre du pur football, qui peut ne pas intéresser tout le monde. Et pourtant : tout le monde gagnerait à la voir. Ce que parvient à faire Tribunes libres – la culture ultra est assez fort.
La série arrive à poser un nombre de questions de société assez impressionnant, qui déborde totalement le cadre du sport. Elle arrive aussi à faire ressentir l’intime, à travers de simples histoires de femmes et d’hommes qui ne font que vivre leur passion avec intensité. De fait, il est indéniable que le sport, et le football en particulier, constitue un fait social extrêmement important pour une partie non négligeable de la population. Le phénomène s’observe dans le monde entier, plus que pour tout autre sport. Chez certains, c’est encore plus, à se demander s’il ne s’agit pas d’une raison de vivre, ce que confirme le visionnage.
- La Générale de Production, ARTE France, France Télévisions
Le prisme du supporteurisme est excellent pour développer certaines des problématiques les plus sensibles qui soient, mais aussi pour offrir des récits aussi intimistes que glaçants. C’est le subtil équilibre trouvé par la série.
Chaque réalisateur apporte sa pierre à l’édifice, et l’ensemble est parfaitement cohérent, à toutes les échelles, des questions de politique internationale jusqu’à la simple histoire d’un père et son fils.
A Bordeaux, Dimitri Kourtchine s’interroge avec justesse sur ce qu’il est acceptable de faire en matière de droit, et sur les dangers de condamner les citoyens de manière préventive. En effet, lorsqu’un déplacement d’ultras est interdit, en prévision d’éventuels débordements, nous parlons bien d’une mesure restrictive qui est prise avant les supposés débordements. Or, avant d’être des ultras, ceux-ci sont des citoyens. Et il n’existe que peu de domaines dans lesquels on accepterait une restriction prophylactique de la liberté de déplacement, à part le football. De même, pas besoin d’un juge pour interdire un ultra de stade… Qu’il n’y ait pas méprise : il ne s’agit de défendre ces gens coûte que coûte, la série est assez claire sur ce point. Mais l’analyse factuelle de la situation a au moins le mérite d’interroger.
- La Générale de Production, ARTE France, France Télévisions
A Liverpool, Dimitri Kourtchine, encore lui, aborde une autre facette de la culture ultra à laquelle on ne pense guère : la pop culture. Il montre à merveille les collusions qui existent entre la culture des ultras des Reds et la sublime histoire musicale de la ville.
A Marseille et à Saint-Etienne, Pauline Horovitz use notamment de la voix off et aborde avec concision le parcours de ces deux clubs fondamentaux du football français, montrant en quoi ces racines exercent toujours leur influence aujourd’hui.
A Lyon, Maxence Voiseux propose sans doute l’épisode le plus singulier : une histoire composée de différentes expériences vécues par des ultras lyonnais, plus centrée sur des personnages, à mi-chemin entre fiction et réalité. Chacun en tirera les leçons qu’il voudra, mais on ne peut lui faire le procès d’être insincère. Il offre ainsi le parfait point central à une série qui ne s’essouffle pas.
En effet, à Lens, Mohamed El Khatib et Frédéric Hocké recueillent un beau témoignage. On ressent magnifiquement le poids de l’histoire d’une ville au passé minier, d’un club aux supporters d’une fidélité indéniable. On est aussi témoin de propos de nature à heurter le spectateur, avec des comparaisons douteuses ou ce qui pourrait passer une justification de la violence. Là encore, sans imposer de jugement au spectateur, les réalisateurs n’occultent aucune facette de ce qui fait les ultras.
- La Générale de Production, ARTE France, France Télévisions
Mais le segment le plus fort est celui de Dimitri Kourtchine, toujours lui, en Ukraine. Dans le Donbass, la ville de Donetsk est éreintée en 2014 par une crise politique majeure et tiraillée entre l’Europe et la Russie. La guerre y règne alors. Et, sans dévoiler quoi que ce soit, il est incroyablement fort de voir que, malgré eux, les ultras d’un club de football peuvent jouer un rôle dans un conflit aussi dur, de constater que, par leur prise de position politique, ils sont contraints de s’éloigner au maximum de la puissance russe…
Ainsi, l’ensemble est cohérent, évite les jugements faciles autant que la complaisance. Le tout aborde des questions de sociétés fondamentales, aussi bien politiques, culturelles que juridiques. Mais, surtout, la série vient rappeler qu’au-delà du sport, être un ultra, c’est faire partie d’un groupe, et donc jouir d’un lien social fort et inclusif.
En ligne depuis le mercredi 26 août sur arte.tv/tribuneslibres et france.tv/slash
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