Rien n’est ce qu’il semble être
Le 21 septembre 2008
Un premier film subtil et dérangeant, remarquablement écrit et supérieurement interprété.
- Réalisateur : Alan Ball
- Acteurs : Toni Collette, Maria Bello, Aaron Eckhart, Summer Bishil
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
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– Durée : 2h04mn
Un premier film subtil et dérangeant, remarquablement écrit et supérieurement interprété.
L’argument : Jasira désire quelque chose qu’elle n’arrive pas vraiment à définir : est-ce de l’affection, de l’amour, de la reconnaissance ou bien tout simplement une vie normale ? Malheureusement elle ne sait pas comment l’obtenir. Lorsque sa mère l’envoie à Houston pour vivre chez son père Libanais, un homme à l’éducation stricte qui s’emporte facilement, Jasira apprend rapidement à lui cacher certaines choses...
Notre avis : C’est l’une des meilleures nouvelles de cette année au cinéma : Towelhead marque le passage derrière la caméra d’Alan Ball, scénariste d’American Beauty et surtout créateur de Six Feet Under dont il a dirigé le bouleversant dernier épisode avec une idée de génie (donner la mort à sa propre série pour célébrer la vie). C’est d’ailleurs cet essai à la réalisation qui l’a convaincu de mettre en scène son premier long. Bien lui a pris. Ceux qui ont suivi la série connaissent son style qui consiste à partir des clichés pour tendre vers une dimension universelle. Ses fans ne seront pas perdus. En adoptant un roman d’Alicia Erian sur la découverte de la sexualité chez une adolescente d’origine libanaise, Ball s’illustre dans un registre familier (la chronique polyphonique) et scrute, à travers sa jeune protagoniste tiraillée entre désir et culpabilité, tout un microcosme gouverné par les apparences, les préjugés, l’hypocrisie et surtout le désir de normalité. Certains risquent de reprocher à l’auteur de creuser une veine chaude, à deux doigts de tomber dans une dialectique édifiante. Mais force est de reconnaître que personne n’arrive à faire surgir comme lui une telle vérité dans les comportements humains.
Comme toujours, Alan Ball développe une écriture directe qui traduit ce qui est compliqué avec des mots simples. Les personnages au départ très caractérisés (l’adolescente mutique, le père sévère, la mère volage, le voisin beauf, la voisine protectrice) bénéficient d’un traitement complexe qui révèlent chez eux autant d’humanité que d’ambiguïté. Il faut reconnaître un cran éthique, dans la mesure où nul ne sort ni tout blanc ni tout noir de cette sombre tournée d’inspection des moeurs banlieusardes saturées de frustration et de paranoïa. Pour les comédiens (tous excellents), des rôles pareils représentent une aubaine. Cette vision très nuancée et toujours pertinente des relations humaines va à l’encontre d’un retour au manichéisme qui s’exprime actuellement aux Etats-Unis. Le spectateur peut à loisir s’identifier à des caractères qui lui étaient alors totalement étrangers - Ball ne lui donne d’ailleurs aucune leçon et le place face à ses propres préjugés - et ainsi se poser des questions. Le dénouement - moins moral que salvateur - marque symboliquement la renaissance de tous les personnages. Il n’est pas sans évoquer celui de la série Six Feet Under qui, sur cinq saisons, transgressait des tabous sociaux pour mieux cerner ce que nous étions. Ball réussit la même gageure en moins de deux heures, sans le souffle feuilletonesque qui dévastait tout sur son passage mais avec la même virtuosité dans le sens du détail, l’acuité psychologique et la justesse dans les regards. On peut applaudir.
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