Parle avec lui
Le 29 octobre 2003
Ce roman gigogne brouille les pistes. Au risque de laisser son lecteur au bord du chemin...
- Auteur : Karine Tuil
- Editeur : Grasset
- Genre : Roman
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En mêlant sans complexe tous les genres (polar, tragédie, comédie, questions existentielles...), ce roman gigogne brouille les pistes. Au risque de laisser son lecteur au bord du chemin...
L’argument : Comment deux frères, élevés selon les mêmes principes de la petite bourgeoisie intellectuelle, peuvent-ils devenir deux adultes si différents ? L’un, Vincent, est trader et arbore tous les signes d’une richesse décadente : cocaïne, sexe, voitures de sport, maîtresses... L’aîné, Arno, a suivi la voie tracée par ses parents ; écrivain, il puise la substance de ses romans dans la vie tumultueuse de son cadet. C’est la maladie neurologique du père qui va les forcer à renouer un hypothétique dialogue. Lui, le traducteur, souffre d’aphasie, désormais incapable d’assembler les mots. A son chevet, Vincent découvre un père, un frère, et peu à peu, le chemin de son âme.
L’auteure : Après l’obtention d’un DEA de droit, Karine Tuil exerce quelque temps la profession de juriste, avant de se consacrer à la littérature : "J’ai compris qu’à défaut de les faire appliquer [les lois], je saurais mieux les transgresser ; et quel support se prête à toutes les transgressions, sinon l’écrit ?" Son premier roman, Pour le pire, est publié en août 2000. Suivront, Interdit, en août 2001, prix Wizo 2002 puis, Du sexe féminin en août 2002. Tout sur mon frère est son quatrième roman.
Notre avis : A priori, le quatrième roman de Karine Tuil semblait plus que prometteur. Des sujets très tendance - la famille et l’autofiction - en toile de fond, une plume vive et ironique, un juste équilibre entre l’humour et la dureté, une intrigue habile et surprenante... Tous les ingrédients se trouvaient réunis pour en faire une œuvre réflexive sur la littérature, et pourtant le récit s’essouffle en cours des pages.
Dommage car il s’en aurait fallu d’un rien pour s’attacher à ces deux frères ennemis, écrasés par le rôle qu’ils se sont assigné dans l’enfance. Leur incapacité à devenir adulte, qu’elle se traduise par une quête permanente de nouveaux jouets (femmes, voitures...) pour Vincent ou un refuge dans l’autofiction pour Arno, a de fortes résonances en chacun. En flirtant avec l’existentialisme, Karine Tuil soulève des questions fondamentales quant au rôle de l’éducation, de la figure parentale ou sur la difficulté à s’affirmer comme individu dans une société qui tend à aplanir toutes les singularités. Regrettable également que le débat contradictoire sur le pouvoir destructeur de la littérature ou celui salvateur des mots ne soit qu’effleuré.
Et c’est là le reproche majeur qui peut être adressé à Tout sur mon frère : à multiplier les références culturelles (Almodovar, Easton Ellis), à évoquer de grandes interrogations intellectuelles, littéraires, philosophiques, l’ensemble demeure finalement au stade de l’ébauche. Davantage de densité, un verbe plus violent aurait certainement suffi à faire de ce roman à tiroirs une œuvre bouleversante et sans concession.
L’extrait |
Karine Tuil, Tout sur mon frère, Grasset, 2003, 289 pages, 18 €
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