Lumineux
Le 15 décembre 2005
Drôle, émouvant, sensible. Une façon des plus belles de parler du poids et de l’héritage de l’Holocauste.
- Réalisateur : Liev Schreiber
- Acteurs : Elijah Wood, Eugene Hutz, Boris Leskin
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
– Durée : 1h42mn
– Titre original : Everything is illuminated
– Adapté du roman de Jonathan Safran Foer, Tout est illuminé
– Lire notre interview de Liev Schreiber
Un road-movie initiatique drôle et émouvant, regard plein d’une humanité et d’une sensibilité unique sur des personnages magistralement interprétés. Une façon des plus belles de parler du poids et de l’héritage de l’Holocauste.
L’argument : Jonathan est un collectionneur. Jeune homme introverti, solitaire, il accumule les objets ayant appartenus à sa famille, des juifs ukrainiens réfugiés aux Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale. Il décide de partir à la recherche de celle qui sauva son grand-père des mains nazis, en Ukraine.
Notre avis : Lentement l’œil se promène sur un mur. Des portraits s’enchaînent sur une carte. Des noms de villes, des itinéraires incertains se dessinent sous des photos en noir et blanc, celles de femmes et d’hommes anonymes. Dans de petits sacs alimentaires cloués au mur, les objets les plus insolites s’étalent. Là une lettre, ici un jouet, plus loin un dentier. Chacune de ces poches est une bulle d’histoire, une trace mémorielle, un souvenir matériel de ceux dont les portraits s’affichent fièrement. Au milieu des étrangetés trône le conservateur de ce musée familial, Jonathan, engoncé dans son costard, les cheveux plaqués et de grosses lunettes posées sur le nez. Taciturne, solitaire, presque muet, comme obsédé par ce qui fait de lui un petit-fils d’immigré juif ukrainien. Reconstruire son histoire, faire un devoir de mémoire dont il ne connaît pas encore les tenants et les origines exactes, voilà sa vie. Alors à la mort de son grand-père, il décide de partir en Ukraine, remercier celle qui sauva des nazis son aïeul.
Everything is illuminated est l’histoire d’une initiation, une histoire parfois absurde, drôle, un road-movie paumé dans la campagne ukrainienne, mais avant tout un regard plein d’une humanité et d’une sensibilité unique, une façon des plus belles de parler du poids et de l’héritage de l’Holocauste. Liev Schreiber, dont c’est la première réalisation, parvient à adapter l’œuvre foisonnante de Jonathan Safran Foer, en choisissant de n’en garder que la trame centrale, ce voyage en vieille Lada au cœur de la campagne ukrainienne. Si le premier quart d’heure en forme de préface et de présentation des personnages joue avant tout sur l’humour, le film trouve son rythme de croisière, aérien et poétique, dès que ses héros ont pris la route. Car, bien plus que simplement accompagné, Jonathan va partager son voyage et sa quête avec trois êtres atypiques, les employés d’un tour-opérateur peu conventionnel, spécialisé dans la recherche des parents disparus pendant la guerre : Alex, le traducteur, jeune Ukrainien américanisé refusant de regarder derrière lui, "le passé étant le passé", son grand-père, vieil homme rugueux et mystérieux simulant la cécité... et son chien, Sammy Davis Jr Jr, faux chien d’aveugle complètement fou.
Dans cette équipe bigarrée, Jonathan le collectionneur, le "client", ne sera pas le seul à découvrir et à se découvrir. Le voyage sera initiatique pour tous. Liev Schreiber filme magnifiquement leurs errances, leurs colères, mais aussi l’amitié et l’amour, les non-dits et la pudeur qui lentement s’installent entre eux. Il met en scène la rencontre pleine d’esprit (et d’une force linguistique jouissive) entre l’Américain en quête de ses origines et l’Ukrainien fasciné par les "States" et Michael Jackson, mais au fond de lui tellement ukrainien.
Jonathan, Alex, le grand-père, et même Sammy Davis Jr Jr, tous sont incarnés à la perfection. Si le privilège de l’affiche revient au seul Elijah Wood, parfait dans un rôle à la limite du mime, quasi muet, tout en intériorité, en émotion tue derrière ses énormes lunettes (qui démultiplient encore le grand regard bleu de l’acteur, déjà utilisé à fond dans Le seigneur des anneaux), c’est le nouveau venu Eugene Hutz qui crève l’écran. Capable des plus formidables pitreries "kusturiciennes", hilarant, le jeune acteur et musicien (il signe aussi la musique du film avec son groupe gypsy punk Gogol Bordelo) sait aussi bien dégager une force mélancolique unique.
Quand l’histoire devient émouvante, quand l’œuvre de mémoire prend sa forme la plus directe, sur la terre de l’Holocauste, chacun des personnages illustre le respect, le recueillement et la souffrance face à cette obscure page de l’histoire, sans excès, sans cris de douleur. A peine pourra-t-on reprocher à Liev Schreiber son utilisation un peu trop abusive d’une très belle bande originale, mélancolique. Dans les yeux fatigués du grand-père, mais aussi dans ceux de son chien (formidable moment de cinéma) apparaît alors un nouveau présent "illuminé" par ce passé douloureux. C’est la notion d’un passé part de notre personne, non plus seulement objet de l’Histoire. L’idée que chacun de ces personnages acteurs ou héritiers de l’Holocauste portent en eux le devoir de mémoire.
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ragondin 27 octobre 2005
Tout est illuminé
Une bien belle critique Pierre... qui donne envie de voir le film. Vivement le 14 décembre !!!
goldenwoman 23 novembre 2005
Tout est illuminé
Je viens de lire la critique et moi qui n’avait pas entendu parler de ce film, je le trouve original et différent de ce qu’on a l’habitude de voir. J’irai probablement le voir.
fabdepond 23 novembre 2005
Tout est illuminé
apres avoir lu le resume du film cela me parait interressant d aller le voir en ce qui concerne la fiche je trouve que cela n a rien avoir avec l histoire
nikita 30 novembre 2005
Tout est illuminé
bah moueh, c’est certain que ma petite salle sombre aux odeurs de popcorn me verra dès la première séance. Sombre dans le monde réel mais illuminée d’avance à l’idée de projeter un film aussi beau, novateur et conceptuel.
Bravo Pierre au fait pour cette envie que tu nosu procures ;) enfin je me comprends !
Placreuse 15 décembre 2005
Tout est illuminé
Un film drôle, émouvant et humain. A ne pas manquer.
Mouguette 15 décembre 2005
Tout est illuminé
Il y a tellement de choses à dire !!! Magnifique, bouleversant, poignant, drôle, réaliste... Bref, voilà enfin un film à ne pas manquer !! Quand on voit l’affiche, on ne sait pas à quoi s’attendre mais finalement, aucune déception, c’est tout simplement émouvant. Sur un sujet aussi subtile, je dis bravo au réalisateur qui a su allier avec brio comique et émotions fortes. Et surtout, SURTOUT, merci à l’équipe d’avoir alire, grâce à laquelle j’ai gagné ma place. C’était un bien beau cadeau. Encore merci !