Notre avis : Jean-Paul Dubois livre un roman sans beaucoup d’action, ni davantage d’émotions, à part peut-être une nostalgie latente – et c’est potentiellement cela qui a séduit l’Académie Goncourt cette année. Sa plume est tantôt descriptive – à l’excès, tantôt pleine d’humour, au gré du récit de son narrateur, Paul Hansen, Français naturalisé Canadien et en prison dans ce pays glacé. Pourquoi est-il incarcéré ? C’est ce sur quoi l’histoire repose entièrement, ce suspense léger permis par la construction alternative entre récit de vie quotidienne en cellule, et biographie, sorte de compte rendu de son existence depuis sa naissance jusqu’à son enfermement à Bordeaux, prison québécoise. Ces va-et vient incessants ne permettent pas de se plonger dans les aventures de Paul, d’occulter le monde et de basculer dans la fiction : les passages sont trop courts, à peine commençons-nous à nous habituer à l’action que celle-ci nous échappe pour faire un bond temporel. Certes, tout est lié, mais cette construction est à la fois la force et la faiblesse de ce livre.

Le style oscille donc entre phrases impressionnées par les étendues enneigées, et descriptions d’églises, de clochers, de villages, jalonnées de mesures métriques en tout genre, ce qui coupe la lecture. Il est compliqué de s’immerger dans l’histoire, dans les sentiments du héros, dans sa vie à L’Excelsior où il joue le rôle de gardien d’immeuble et de secouriste des âmes. Ce sont plus ses impressions qui composent le roman, et bien qu’une pointe de mélancolie apparaisse de temps à autre, les lecteurs refermeront sans doute ce récit avec une légère déception et un ennui tout aussi doux. Ils auront été comme anesthésiés par le froid cotonneux de la neige canadienne, par le froid glaçant de la prison, par le froid paralysant ressenti par Paul après son crime et après la mort de ses proches – et les quelques frasques de son codétenu, Patrick Horton, n’auront pas suffi à les tirer de leur léthargie engourdie, assoupie.