A la santé de Mathieu !
Le 13 juin 2014
Très prometteuse sur le papier, un poil inachevée sur grand écran, la "tournée" de Mathieu Amalric demeure un beau moment de cinéma, totalement illuminé par les sirènes de son casting. Attachant.
- Réalisateur : Mathieu Amalric
- Acteurs : Mathieu Amalric, Mimi le Meaux, Kitten on the keys, Julie Atlas Muz, Dirty Martini, Evie Lovelle, Damien Odoul
- Genre : Comédie, Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 1h51mn
- Date de sortie : 30 juin 2010
- Festival : Festival de Cannes 2010
Très prometteuse sur le papier, un poil inachevée sur grand écran, la "tournée" de Mathieu Amalric demeure un beau moment de cinéma, totalement illuminé par les sirènes de son casting. Attachant.
L’argument : Producteur de télévision parisien à succès, Joachim avait tout plaqué - enfants, amis, ennemis, amours et remords - pour repartir à zéro en Amérique à l’aube de ses quarante ans. Il revient avec une tournée de strip-teaseuses « New Burlesque » à qui il a fait fantasmer la France...Paris !
De port en port, l’humour des numéros et les rondeurs des filles enthousiasment les hommes comme les femmes. Et malgré les hôtels impersonnels, leurs musiques d’ascenseurs et le manque d’argent, les showgirls inventent un monde extravagant de fantaisie, de chaleur et de fêtes. Mais leur rêve d’achever la tournée en apothéose à Paris vole en éclats : la trahison d’un vieil « ami » fait perdre à Joachim la salle qui leur était promise. Un bref aller et retour dans la capitale s’impose, qui rouvre violemment les plaies du passé...
Notre avis : Quand un type comme Mathieu Amalric, le meilleur comédien français actuel, repasse derrière la caméra (c’est son quatrième film) et s’empare d’un sujet comme le new burlesque américain, le résultat promet de jolies étincelles. New burlesque ? Méconnus en France, ces spectacles sont aux States ce que le cabaret est à Paris, une dose bordélique en plus : un show joyeusement effeuillé mêlant comédie, acrobaties foraines et strip-tease, dans la tradition gentiment coquine des fifties. « Un show fait par des femmes, pour des femmes, sans que l’homme n’ait aucun contrôle », voilà comment le définissent les girls elles-mêmes ; elles sont délurées et indépendantes, belles et voluptueuses, leur physique (incroyable) ne répond pas aux canons du XXIe siècle, leur nom de scène (tout aussi incroyables : Julia Atlas Munz, Dirty Martini, Kitten on the keys !!) n’appartient qu’à elles... Dans leurs propres rôles, ces strip-teaseuses hors-normes et au délicieux grain de folie sont évidemment les vraies stars du film.
Les naïades constituent à elles seules un formidable bouillon de vie, un magnifique argument de cinéma : en toute logique, on tombe amoureux d’elles dès les premières minutes du film. Entre les cieux grisâtres de la province française et les danseuses yankees à l’énergie dyonisiaque, le choc des cultures a bien lieu, mais le cinéaste (dont l’idée de départ provient d’une nouvelle de Colette, L’Envers du Music-Hall) l’orchestre sans grosse caisse, préférant la sensibilité et la délicatesse à la gaudriole. Amalric a même organisé d’authentiques spectacles à Nantes ou au Havre, ouverts à tous et filmés depuis les coulisses ; lesté de cette dimension documentaire non négligeable, Tournée nous donne à voir et les spectacles et l’envers du décor, dans un double jeu de regard qui en fait tout le charme subtil. Danse magique à l’intérieur d’un grand ballon translucide, répétitions et engueulades, joies et galères guettés dans un même élan bienveillant... La réalisation élégante et électrique d’Amalric magnifie les corps et les décors, leur donne un bel écrin par ses choix de cadrage et par les superbes couleurs chatoyantes de sa photographie (sans doute pas étrangère au prix cannois de la mise en scène) ; le sujet et le style renverront les cinéphiles au (bon) souvenir de John Cassavetes, en particulier de son Meurtre d’un bookmaker chinois.
En réalité, il n’y a pas un film mais deux dans Tournée, agissant en alternance et fonctionnant dans leur contraste. Le premier, drôle et foutraque, traversé par une géniale BO funky, s’attache exclusivement à ces adorables girls qui font souffler, à la scène comme dans la vie, un vent revigorant de liberté et de féminité ; dommage que le film renonce à creuser leur caractère plus en profondeur, n’en faisant émerger qu’une seule figure (la divine Mimi le Meaux, matrone à la fragilité touchante) et reléguant les autres au second plan. Le deuxième suit plutôt les va-et-vient de Joachim Zand, le producteur de la tournée, qui entretient des rapports contrastés avec ses danseuses, les maternant comme un père de famille tout en étant déboussolé comme un enfant devant leur beauté. Ancien magnat de la télé désavoué par ses amis d’hier, type un peu minable et un peu salaud, Joachim revient triomphalement en France mais ne récolte que des déconvenues et des cocards. Le personnage est à la limite de l’antipathie sans jamais y tomber, souvent poignant, toujours humain ; méritoire, Amalric l’incarne avec son talent coutumier, en hommage au producteur Humbert Balsan disparu il y a cinq ans dans des circonstances déchirantes. Mais ce versant plus triste et plus classique ramène quelque peu Tournée vers des écueils qu’il tentait joliment de contourner auparavant, ceux d’un film de moeurs peu dépaysant, rebattu et légèrement auteurisant, dont les ficelles psychologiques sont parfois faciles, voire complaisantes (l’impuissance de Joachim à être un bon père est "fléchée" de manière un brin insistante).
Les deux faces contradictoires du film ne cohabitent pas toujours très bien sur la durée, la seconde prenant le pas sur la première en laissant les girls sur le bord du chemin - on aurait pourtant aimé les voir un peu plus ! Fort heureusement, Tournée retombe sur ses pattes dans un beau final mélancolique, et son petit péché de gourmandise apparaît bien mineur au vu du bonheur et de la sensualité qu’il respire. Ce genre de long-métrage qu’on aurait aimé adorer (on n’est pas passé loin du grand film), légèrement en-deçà de ses belles promesses mais qui, in fine, fait beaucoup de bien. Acteur de génie, Amalric devient à présent un réalisateur à suivre...
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roger w 16 juillet 2010
Tournée - la critique
La tournée proposée par Amalric est dans l’ensemble convaincante. Les numéros des américaines sont souvent très bons, mais ce sont surtout les tensions qui existent entre les personnages qui font tout le sel de ce long-métrage. Par contre, on se demande bien pourquoi le film a glané un prix de la mise en scène à Cannes, puisqu’elle ne se distingue en rien du tout-venant. Par contre, l’acteur Amalric est tout bonnement exceptionnel.
Jujulcactus 9 août 2010
Tournée - la critique
Au coeur du festival de Cannes il y a quelques mois, récompensé au final par le prix de la mise en scène, « Tournée » mérite l’attention qu’on a pu lui porter. La caméra est bien maitrisée, de jolis jeux de lumière, certaines scènes (notamment le spectacle avec la scène des plumes) sont vraiment très belles, on a tour à tour le droit à des touches d’humour et des touches d’émotion dans un vide scénaristique criant ... Car c’est bien là que le film pêche, on a l’impression qu’il n’y a aucune écriture, aucune intrigue, ou alors cette pseudo histoire d’un producteur raté qui tente de mener son groupe tant qu’il peut, sorte de prétexte ... Il s’agit là d’un petit bout de vie, des rires, des peines, d’une partie de la tournée française de streap teaseuses américaines sans qu’il y ait de début, ni de fin ... Mais pourtant rien de désagréable là dedans, les actrices de la troupe sont fabuleuses et portent elles seules tout l’intérêt du film par leur grâce quelque peu débridée. Un peu trop caricatural lorsqu’il traite de son personnage desabusé, plutôt juste lorsqu’il pose son regard sur ses vedettes, Mathieu Amalric réussit à offrir un film atypique aussi beau qu’insignifiant.