Miller adapte Mauriac
Le 11 novembre 2020
Le dernier Claude Miller, projeté en clôture de la 65e édition du festival de Cannes, est un modèle d’adaptation littéraire, tout en offrant un beau rôle de maturité à Audrey Tautou.
- Réalisateur : Claude Miller
- Acteurs : Audrey Tautou, Gilles Lellouche, Anaïs Demoustier, Catherine Arditi, Isabelle Sadoyan, Stanley Weber, Yves Jacques
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : UGC Distribution
- Date télé : 12 novembre 2020 13:40
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 21 novembre 2012
- Festival : Festival de Cannes 2012
Résumé : Dans les Landes, on arrange les mariages pour réunir les terrains et allier les familles. Thérèse Larroque devient Madame Desqueyroux, mais cette impose jeune femme aux idées avant-gardistes ne respecte pas les conventions ancrées dans la région. Pour se libérer du destin qu’on lui impose, elle tentera tout pour vivre pleinement sa vie...
Critique : En 1962, Georges Franju avait déjà adapté le roman de François Mauriac, avec Emmanuelle Riva, Philippe Noiret et Édith Scob dans les rôles tenus aujourd’hui par Audrey Tautou, Gilles Lellouche et Anaïs Demoustier. La version proposée par Claude Miller est une autre variation réussie de ce récit puissant. La structure en flash-back de Franju est éliminée au profit d’une linéarité qui intensifie la tension dramatique. Thérèse Desqueyroux étouffe dans cet univers bourgeois qui la cantonne à un rôle d’épouse docile dans un univers étriqué et conformiste. Une belle-mère froide et indifférente (subtile Catherine Arditi), un époux guindé dans les convenances et ne manifestant aucune tendresse, une jeune belle-sœur amoureuse tentant de casser l’ordre social mais vite remise dans le droit chemin seront les catalyseurs de son trouble intérieur. Aussi, quand le médecin devra prescrire une ordonnance de morphine à Bernard, son époux, Thérèse versera quelques gouttes en plus dans son verre... La suite du roman (et du film) relate sa douce descente aux enfers, la communauté familiale voulant la sanctionner tout en préservant les apparences...
- Copyright Eddy Brière - Les Films du 24 - UGC Distribution
Par rapport au roman, Bernard est montré avec un peu plus d’humanité ce qui accentue le doute du spectateur quant aux intentions véritables de Thérèse...
À l’instar des personnages de Charlotte Gainsbourg dans L’effrontée, Michel Serrault dans Mortelle randonnée ou Vincent Rottiers dans Je suis heureux que ma mère soit vivante, Thérèse est une incomprise qui manifeste un trouble obsessionnel. La fixation de l’adolescente sur une pianiste prodige, l’obstination du détective à protéger une criminelle qu’il identifie à sa propre fille ou l’entêtement du jeune homme à retrouver sa mère naturelle rejoignent ici le désenchantement bovaryen d’une femme frustrée d’amour et de reconnaissance dans un monde où elle se sent anéantie, et qui décide par un geste fatal de tirer une sonnette d’alarme. Et comme dans Un secret, d’obscures histoires de famille révèlent l’inquiétante manipulation exercée par la parentèle pour garder un semblant de respectabilité. Thérèse Desqueyroux est donc bien réapproprié par le cinéaste qui ne tombe jamais dans l’illustration académique : le soin pictural accordé aux décors et costumes, ou les cadrages d’intérieur et d’extérieur, loin de glacer le dispositif, cernent au plus près l’enfermement (au sens figuré puis au sens propre) d’une héroïne meurtrie. Audrey Tautou trouve ici l’une de ses meilleures compositions et est bien épaulée par des seconds rôles inspirés, dont Isabelle Sadoyan en tante Clara et Francis Perrin en Monsieur Larroque. Le retour sur la Croisette à titre posthume de Claude Miller, quatorze ans après La classe de neige, était donc bien un événement artistique et Thérèse Desqueyroux clôturait avec cohérence l’une des filmographies les plus riches du cinéma français.
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roger w 17 décembre 2012
Thérèse Desqueyroux - Claude Miller - critique
Une bien belle adaptation qui montre une fois de plus le talent de conteur de Miller et sa capacité à sublimer un script qui appelait l’académisme. Sa réalisation fluide et sensible, le jeu délicat des acteurs et la beauté des images font de cette version une pleine réussite.