Portrait de famille
Le 20 septembre 2017
Pas de révolution chez Baumbach, mais une esquisse familiale drôle et délicate sur fond d’incommunicabilité. Néo screwball comedy plaisante, à défaut de captiver.
- Réalisateur : Noah Baumbach
- Acteurs : Sigourney Weaver, Adam Sandler, Ben Stiller, Dustin Hoffman, Emma Thompson, Judd Hirsch, Josh Hamilton, Elizabeth Marvel, Adam Driver, Matthew Shear, Danny Flaherty, Grace Van Patten
- Genre : Comédie, Drame
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Netflix
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 13 octobre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
L'a vu
Veut le voir
Film présenté en compétition du Festival de Cannes 2017
Résumé : Une famille new-yorkaise se réunit autour du patriarche vieillissant de la famille : l’artiste Harold, célébré pour sa carrière à l’occasion d’une rétrospective.
Critique : Avec juste ce qu’il faut d’équilibre et de sincérité, Noah Baumbach redonne de l’étoffe à une formule qui passait chez lui dernièrement pour éculée. Le metteur en scène reconduit ses motifs fétiches, auscultant la mémoire et le temps qui passe comme dans While We’re Young autant qu’observant avec mordant les tréfonds d’une famille disruptive. Cette toile douce-amère procède par chapitre, focalisant tour à tour son regard sur les morceaux organiques d’une généalogie volée en éclat. De Danny, fils oublié et terrassé par la réussite d’un père artiste brillant et mondialement reconnu, l’on passe à Matthew l’homme d’affaire trop riche et occupé pour être heureux, ou encore à Jean, la sœur cynique mais aimante qui dissimule son affect derrière un masque insensible. Liés par le sang, ces personnages gravitent tous autour de leur père Harold Meyerowitz, figure vieillissante qui polarise les non-dits et anciennes inimitiés en même temps qu’il jette un voile nostalgique sur le présent.
- © Netflix France
À l’inverse de ses dispositifs habituels, Baumbach contourne la catharsis ou le débordement, qui à force de rétention finit le plus souvent chez lui par rejaillir dans une scène de climax. Plutôt que de s’incarner sporadiquement à l’écran, le dérèglement fait cette fois partie intégrante du film d’un bout à l’autre. Demeure toujours quelque chose d’inhérent à la screwball comedy, mais l’incommunicabilité frise ici désormais l’abstraction. Logorrhées et soliloques abondent de telle façon qu’il n’est pas rare de voir deux protagonistes discutant l’un avec l’autre suivre en réalité deux conversations parallèles - là se situe le vacillement permanent. Métaphore d’une transmission en roue libre qui ne fonctionne plus. Où la connivence des discours n’est de mise qu’avec des questions où il faut répondre par oui ou non. Ces mots, qui ne trouvent pas leur interlocuteur, renvoient aussi au sentiment d’inutilité des membres de la fratrie et à leur frustration. Reste à déterminer la manière de contourner ces barrières.
- © Netflix France
Si Baumbach, sans sa muse Greta Gerwig, ne renouvelle pas le sortilège Frances Ha avec The Meyerowitz Stories, son coup de crayon tout en ligne claire reste touchant. On se plait un temps à rapprocher le film de La Famille Tenenbaum et ses filiations de bric et de broc, ne serait-ce que pour sa nature de drame familial glacé par le rire ou pour sa figure tutélaire du Nouvel Hollywood - d’un côté Gene Hackman, de l’autre Dustin Hoffman. Peu à l’aise autrement qu’en filmant des gens parler malgré leur incapacité à dialoguer, Baumbach mise toujours sur le jeu de ses acteurs - les seuls à pouvoir donner corps à l’espace mental fracturé qu’il imagine. Exit ou presque les prises de vue d’ensemble et place à une valeur de plan unique les laissant évoluer à loisir dans le cadre. À ce petit jeu, excellent les Adam Sandler, Ben Stiller et Elizabeth Marvel, ou encore Emma Thompson en hippie alcoolique sur le retour.
- © Netflix France
L’on rit souvent devant The Meyerowitz Stories, aussi bien lorsque Matthew converse par Skype avec son fils de 5 ans - l’effrayant et cafardeux Tony, que l’on imagine hors-champ comme l’ami imaginaire de Danny Torrance de Shining - ou quand Eliza montre ses courts-métrages expérimentaux au carrefour de Cindy Sherman, de John Waters et du soft porn. Tandis qu’un petit trouble allenien point par moment, comme lorsqu’Harold déclare avoir appelé son chien "L’idiot" en référence à un idiot croisé dans le film Woyzeck de Werner Herzog. Récompensé par une rétrospective de son œuvre - réconciliation d’un parcours aux trajectoires éparses -, Harold peut y voir la réunion enfin possible d’une famille jusqu’alors fragmentée et inconciliable. Pas de révolution, mais un long-métrage plaisant et délicat.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.