Le 6 octobre 2024
Un témoignage historique, aussi sinistre que fascinant, qui démontre avec effroi les ravages que le déni de la souffrance psychique et la manipulation religieuse produisent dans notre humanité, surtout quand il s’agit de la condition des femmes. Un film coup de poing.
- Réalisateurs : Veronika Franz - Severin Fiala
- Acteurs : Claudia Martini, Maria Hofstätter, Anja Schmidt, David Scheid, Natalija Baranova
- Genre : Thriller, Drame historique
- Nationalité : Allemand, Autrichien
- Distributeur : Pan Distribution
- Durée : 2h01mn
- Titre original : Des Teufels Bad
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 2 octobre 2024
- Festival : Festival de Berlin 2024
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Résumé : 1750. Haute-Autriche. Agnes, une jeune mariée, se sent une étrangère dans le monde rural et froid de son mari. Très croyante et sensible, elle se replie progressivement sur elle-même. Sa prison intérieure devient écrasante, sa mélancolie insurmontable. Sa seule issue lui apparaît alors sous la forme d’un acte de violence inouï.
Critique : Manifestement, Agnès ne veut pas se marier. Elle est pressée par son frère et sa mère pour rejoindre le village où la fête va se tenir, préférant rassembler des cadavres d’insectes dans des enveloppes grises au funeste destin qui l’attend. Le seul espoir que la jeune femme cultive dans cette noce demeure son désir ardent d’avoir des enfants. Mais le mari qui lui est promis, manifestement, n’éprouve pas vraiment d’attirance pour elle, voire pour les femmes en général.
En dépit du titre, The Devil’s Bath n’est pas un film d’horreur. Il s’agit d’un témoignage historique de près de quatre-cents femmes dans l’Allemagne du XVIIe siècle, qui choisissaient de commettre des crimes contre enfants et de se faire condamner à mort, plutôt que d’intenter directement à leur vie par peur d’être répudiée par l’Église. Le film s’ouvre sur une scène terrifiante où l’on voit une mère balancer son bébé du haut d’une cascade, puis se livrer immédiatement aux autorités locales. La pauvresse finira la tête coupée, exposée dans un bout de forêt, à la façon d’un objet de culte macabre. Tout le reste du récit accompagne l’existence tragique de cette jeune Agnes qui, face aux refus de son mari de lui donner un enfant et lui faire l’amour, cède peu à peu à une mélancolie profonde. La folie s’empare irrémédiablement d’elle, face à laquelle sa famille d’adoption emploie des méthodes de traitement pour le moins radicales, qui n’ont d’autres effets que d’accentuer son désespoir.
- Copyright Pan Distribution
Le duo d’artistes, Severin Fiala et Veronika Franz, s’engage ainsi dans un projet absolument sidérant, mettant en scène la destruction psychique d’une femme dont les troubles s’amplifient avec le poids moral et culpabilisant de l’Église, à travers ses sermonneurs, ses cultes insensés et ses principes délétères. Les paysans évoluent dans un univers sinistre, où ils luttent dans des marais poisseux contre un misérable bout de pain. La soumission des populations à l’autorité est totale, au point de sombrer dans des comportements populistes et ignobles qui se délectent d’assister à la condamnation à mort de femmes qu’ils assimilent à des sorcières.
Les deux cinéastes ne font pas dans la nuance. La musique très lourde accentue cette atmosphère terrible où le désarroi de l’héroïne déborde. Il n’y a pas le moindre soupçon d’espérance dans cette société qui se définit dans un déterminisme absolu auquel personne n’échappe. Les femmes sont à la fois l’expression de cette domination, tout en contribuant à leur propre persécution avec les rapports de force ou les renoncements auxquels elles se soumettent. On pense à Quand nous étions sorcières, un très beau film avec Björk, qui jouait à la fois sur l’environnement créé par la mise en scène et l’impossibilité pour les personnages de se départir du poids de la condamnation sociale sur les femmes. Les metteurs en scène mêlent habilement le réalisme avec la tentation du fantastique, permettant à la fiction de redoubler d’intensité.
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En dépit de l’ambiance générale glauque, The Devil’s Bath offre de véritables moments de poésie. Le travail sur la lumière, les décors, l’étalonnage, apporte au récit une dimension quasi mystique. Il faut saluer l’interprétation magistrale d’Anja Plaschg qui se glisse dans la peau de cette Agnes avec une aisance magnifique. L’actrice adopte les traits de la folie, jouant sur les crispations d’un corps et d’un visage qui ne parviennent plus à échapper au spectre de l’enfermement. On souffre avec elle, jusqu’à cette scène finale éblouissante, où enfin l’héroïne semble libérée.
The Devil’s Bath constitue une œuvre majeure de cet automne 2024. Le spectateur ressort complètement transi par autant de souffrances avec, en même temps, la certitude qu’aucune religion, aucun dogme ne peuvent atteindre à ce point à la liberté de conscience.
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