Le 21 novembre 2019
Un véritable chef-d’œuvre, incandescent et fascinant, qui ravira les fans de la première heure de Björk et les amateurs d’un certain art du cinéma d’auteur, à la façon d’Ingmar Bergman.
- Réalisateur : Nietzchka Keene
- Acteurs : Björk, Bryndis Petra Bragadóttir, Valdimar Örn Flygenring
- Genre : Noir et blanc, Drame fantastique
- Nationalité : Islandais
- Distributeur : Capricci Films
- Durée : 1h19mn
- Reprise: 8 mai 2019
- Titre original : The Juniper Tree
- Date de sortie : 1er janvier 1990
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Résumé : D’après "Le Conte du genévrier", des frères Grimm. À la fin du Moyen Âge, la jeune Margit et sa soeur aînée Katla fuient dans les montagnes après que leur mère a été brûlée pour sorcellerie. Elles trouvent refuge chez Jóhann, un paysan veuf qui élève son petit garçon Jónas. Tandis que Margit et Jónas se lient d’amitié, Katla entreprend de séduire Jóhann. Persuadé qu’elle a ensorcelé son père, Jónas nourrit une haine profonde envers Katla. Pendant ce temps, Margit a des visions de sa mère défunte et se réfugie peu à peu dans un monde imaginaire…
Critique : Katla et sa jeune sœur, Margit, n’ont qu’un seul souhait : vivre en paix, auprès d’un homme auquel elles pourront offrir un enfant. Mais les choses se passent rarement comme on les souhaite, au point que la jeune femme Katia, esseulée, doit commettre un acte de sorcellerie pour obtenir les grâces d’un homme. Ce dernier est veuf, père d’un enfant. Sa femme, décédée, a été elle-même brûlée pour faits de sorcellerie. Le récit pourrait se résumer à ces quelques phrases, mais Quand nous étions sorcières est bien plus que cela. C’est tout à la fois une histoire champêtre à la manière de George Sand, un essai fantastique inspiré d’une nouvelle de Maupassant ou la transcription toute personnelle d’un conte des frères Grimm.
- © Arbelos/Capricci 2019
Le film dégage dès les premières images une sorte de langoureuse fascination. Evidemment, la présence de Björk, toute jeune, n’y est pas pour rien. L’artiste égrène du bout des lèvres des récits pour enfants, parfois à peine chantés, et on reconnaît la force mélodique des titres à venir de la célèbre chanteuse. Le timbre de la voix est frémissant, et on pense tout naturellement au rôle incroyable qu’elle occupait dans le film de Lars von Trier, à travers ce visage candide et merveilleux qu’elle offre au spectateur. Elle incarne Margit, qui n’est que bonté et naïveté. Elle nous ramène quelques décennies en arrière, où l’on condamnait les femmes accusées de sorcellerie, dont la science nous révélera plus tard qu’elles souffraient d’hallucinations sonores et visuelles, que l’on rencontre chez des patients schizophrènes.
- © Arbelos/Capricci 2019
Le film irradie de beauté. Si les images ont été restaurées, il faut saluer le travail minutieux sur la lumière et la photographie, entrepris par Nietzchka Keene, réalisatrice en son temps, hélas décédée. Les personnages évoluent dans des décors naturels somptueux, où la montagne côtoie les bords agités de la mer. Le film cultive un art de l’esthétique rare dans le cinéma moderne, tout en ne négligeant pas les dialogues et l’intérêt pour le récit. En effet, trop souvent, le cinéma scrupuleux de défendre une esthétique de l’image avant tout, se centre sur les effets, en mettant de côté le scénario. Ici, tout est pensé. La mise en scène est précise, en recherche permanente d’une harmonie entre la nature très présente, le jeu des comédiens et la lumière. Quand nous étions sorcières est un film à l’esthétisme sublime dont on perçoit à chaque instant, le travail incroyable de la réalisatrice, pour donner chair à ce conte.
- © Arbelos/Capricci 2019
Enfin, on ne peut pas terminer cette critique sans saluer l’extraordinaire modernité de ce long métrage de 1990. Quand nous étions sorcières parle déjà du statut du sexe féminin, en Europe ou ailleurs. Les femmes sont consignées aux rôles de mères de famille ou domestiques, voire de sorcières, quand elles décident de leur destin et de leur liberté. Néanmoins, Nietzchka Keene ne choisit pas un ton misérabiliste ou froidement dénonciateur. Elle montre, à travers ce récit universel et intemporel, que l’émancipation féminine n’est pas un moindre mot dans nos sociétés contemporaines. Elle dénonce aussi avec pudeur le sort qui était réservé aux malades mentaux, â une certaine époque, comme si, en substance, le droit à la différence, encore aujourd’hui, était encore loin d’être une évidence.
Test DVD/Bluray
Les éditions Capricci offrent un DVD remastérisé suivant la technique 4K qui est l’occasion de découvrir 3 courts-métrages de la réalisatrice Nietzchka Keene, situés entre le film d’animation, la nouvelle et le film expérimental. Dans tous les cas, ces 3 œuvres annoncent parfaitement la complexité du cinéma de Keene, où les figures féminines doivent composer entre leur solitude, la mort, la nécessité économique et la violence des hommes. L’œuvre éphémère de Keene apparaît comme résolument moderne à l’heure où la question de l’émancipation des femmes, les violences commises contre elles deviennent enfin une question centrale dans le débat public. Un DVD qu’il est urgent de se procurer.
- © Arbelos/Capricci 2019
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