Les abysses de l’âme
Le 18 juin 2012
Le froid témoignage d’une liaison adultérine consumée par la passion qui lui insuffla vie. Une victoire cinématographique de la raison sur la passion.


- Réalisateur : Terence Davies
- Acteurs : Rachel Weisz, Tom Hiddleston, Simon Russell Beale, Barbara Jefford
- Genre : Drame, Comédie dramatique, Romance
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h38mn
- Date de sortie : 20 juin 2012

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Hester Collyer, épouse de Sir William Collyer, haut magistrat britannique, mène une vie privilégiée dans le Londres des années 1950. À la grande surprise de son entourage, elle quitte son mari pour Freddie Page, ancien pilote de la Royal Air Force, dont elle s’est éperdument éprise. Sir William refusant de divorcer, Hester doit choisir entre le confort de son mariage et la passion.
Critique : S’il est un cinéaste réputé pour ses portraits de femmes dans la société britannique d’après-guerre, c’est Terence Davies. Après Distant Voices, Still Lives et The Long Day Closes, le réalisateur s’est attelé cette fois-ci à l’adaptation d’une pièce de théâtre du dramaturge anglais Terence Rattigan : The Deep Blue Sea.
Dans le Londres des années 1950, Hester (Rachel Weisz) mène une existence respectable aux côtés de son époux, le juge Wiliam Collyer. Malgré son éducation conventionnelle et les mœurs répressifs de l’époque, la jeune fille s’engage dans une liaison extra-conjugale avec un ancien pilote de l’armée. Hester quitte alors son mari pour suivre Freddie (Tom Hiddleston) dans une pension minable où elle abandonnera son bien-être, sa fierté et son avenir au profit d’une passion destructrice.
La substance même du sujet traité dans The Deep Blue Sea est intemporelle. L’amour, sous quelque forme qu’il se présente, fascine. Les sentiments humains sont un vivier de thèmes éternels sujets à une infinité d’interprétations. Parmi tous ceux-ci, la passion amoureuse est une des émotions qui émeut et trouble le plus, celui qui la ressent comme celui qui la constate. Roméo et Juliette, Diamants sur canapé, W.E, sont autant de récits tirés d’histoires vraies ou fantasmées qui attestent de la toute-puissance de l’amour sur l’âme humaine ou plus rigoureusement de la passion sur le confort personnel.
The Deep Blue Sea est une œuvre cinématographique à l’esthétisme sophistiqué, ce qui n’est pas sans lui concéder une certaine force visuelle. La mise en scène est d’une rigueur impitoyable. Les dialogues sont dépouillés, dû au legs théâtral du scénario. Le long-métrage puise son minimalisme dans une structure excessivement symétrique. Un choix pour le moins étonnant lorsqu’il s’agit de traiter un sentiment aussi impétueux et exalté que la passion amoureuse.
Il est indéniable que la reconstitution historique, emprunte des séquelles du conflit mondial d’alors, est une réussite. Cependant le traitement aseptisé du sujet fait de The Deep Blue Sea une composition éthérée, dépourvue de toute consistance réelle. Pas une seule fois le film ne parvient à exalter le spectateur, et l’amour dévorant de Hester reste un pré-supposé qu’il est bien difficile d’accepter.
Il est chose aisée de comprendre les thèmes abordés dans le film. La découverte du plaisir sexuel par une femme, la recherche d’un amour fusionnel, l’adultère, l’impuissance du couple devant l’insatisfaction humaine, la signification même des passions sans lendemain... Nonobstant la richesse émotionnelle des enjeux susdits, le long-métrage échoue piteusement lorsqu’il s’agit d’en faire ressentir la puissance. La musique omniprésente, superbe par ailleurs, étouffe sans pitié le spectateur oppressé sans en comprendre la raison. Même les larmes incessantes de Rachel Weisz ne parviennent à provoquer autre chose que de l’agacement.
Le long métrage se veut miroir de l’âme. Il ne reste malheureusement après le visionnage qu’un certain malaise, plus lié à l’absence d’émotions qu’à celles représentées dans le film. Bussy-Rabutin disait : « Quand on n’aime pas trop, on n’aime pas assez ». Et c’est là toute la triste vérité. The Deep Blue Sea ne manque pas de savoir-faire, il manque de cœur.