Le 2 mars 2019
D’une invention visuelle constante, ce faux film d’horreur empruntant à divers genres et esthétiques ne pourra que séduire les amateurs de curiosités.
- Réalisateur : Paul Leni
- Acteurs : Tully Marshall, Gertrude Astor, Laura La Plante, Creighton Hale, Forrest Stanley
- Genre : Épouvante-horreur, Film muet, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal International
- Editeur vidéo : Lobster
- Durée : 1h22mn
- Titre original : The Cat and the Canary
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– Année de production : 1927
– Sortie DVD : Le 25 février 2019
Résumé : Vingt ans après la mort de Cyrus West, ses descendants sont réunis dans un inquiétant manoir pour se partager l’héritage. Alors que la soirée se déroule selon des ordres précis, le notaire est retrouvé mort...
Notre avis : Les cinéphiles ne connaissent guère de la courte carrière de Paul Leni que Le cabinet des figures de cire (1924) et L’homme qui rit (1928), deux superbes œuvres plastiquement captivantes. Mais entre les deux, il y eut un premier film américain, ce Cat and the Canary, dont le titre français La volonté du mort n’éveille pas davantage de souvenirs. C’est pourtant un métrage passionnant, matrice d’un courant (le film de monstres produit par Universal) et l’une des inspirations de James Whale pour son Frankenstein ; autant dire qu’on l’a abordé d’un œil gourmand, alléché par cette sombre histoire d’héritage et de maison hantée.
Les premières images, montrant un vieil homme riche entouré de chats gigantesques, éclairent le sens métaphorique du titre, qui reviendra sous forme de menace dans le dialogue. Mais pour l’essentiel, ce film, dont Paul Leni ne cherche pas à masquer l’origine théâtrale, se passe dans une belle unité de lieu (le château), de temps (une nuit) et d’action (les conséquences du testament). Même pour traiter l’arrivée des héritiers potentiels, le cinéaste opère des variations réjouissantes qui ôtent ce que pouvaient avoir de pesant les présentations des personnages. L’intrigue se noie ensuite quelque peu dans des rebondissements touffus dont les ressorts empruntent à différents genres : le fantastique y côtoie le gothique, le baroque, la comédie de mœurs, voire le vaudeville ; on y verra donc aussi bien une main velue surgie de nulle part qu’un homme caché sous un lit regardant des jambes dévêtues ou une bagarre dans des sous-sols obscurs. Tout se passe comme si le suspens ou l’effroi étaient sans cesse ruinés par des grimaces ou des détails saugrenus. Ainsi de Paul, qui oscille entre l’héroïsme et la couardise, le bégaiement et le torse redressé.
Ce pourrait être un salmigondis indigeste, si Leni ne faisait de cet improbable scénario une stimulante recherche visuelle : du jeu avec les intertitres à une science remarquable des éclairages en passant par des surimpressions soignées, c’est tout un arsenal cinématographique qu’il convie, à la limite de l’expérimental. Cela donne des séquences splendides (le face à face éclairé par deux lampes torches) et des audaces formelles, comme un travelling brutal ou un très gros plan d’un œil manipulé par un médecin. Au fond, le réalisateur a trouvé la forme adéquate : à un scénario excessif il répond par une mise en scène excessive. Il n’est dès lors pas étonnant que les acteurs surjouent avec des yeux exorbités la moindre surprise. Mais si le métrage passionne, c’est aussi parce que, outre des influences parfaitement digérées (Leni vient d’Allemagne, et il a gardé des réminiscences de l’expressionnisme comme du Kammerspiel), il impose à la dernière partie un sur-régime bienvenu, en particulier grâce à sa maîtrise du montage alterné.
Les amateurs décèleront dans The Cat and the Canary des topoï appelés au plus grand succès comme la main surgie de nulle part ou les rideaux balayés par le vent. En ce sens, le film est intéressant en lui-même mais également pour son rôle de pionnier. On passera donc sur quelques facilités pour se laisser embarquer dans cette maison hantée réjouissante.
Les suppléments :
La présentation de Serge Bromberg éclaire sur l’originalité du film et sa restauration. Bien que brève (5mn), elle est précieuse par son lot d’informations. S’y ajoutent trois courts-métrages qui n’ont en commun que de traiter sur un mode humoristique le thème de la maison hantée. Les voir, c’est mesurer à quel point la comédie vaut par son rythme et son inventivité : le très plat Courage of sorts (1913, 8mn), paraît ainsi bien pataud. Il n’en va pas de même pour le délirant Haunted spooks (1920, 22mn), dans lequel un Harold Lloyd survolté mène tambour battant une suite ininterrompue de gags, ni du dessin animé Cuckoo murder case (1930, 7mn), inventif en diable, dans lequel on verra un chat-sirène ou une souris essuie-glaces, une pendule qui téléphone ou des nuages essorés. Bref, deux petites perles à ne pas manquer.
L’image :
Pour un film de cet âge, la cotation n’a pas grand sens. L’image est constellée de taches et de griffes, mais, outre que sa qualité vaut bien de faire un petit effort, elle est stable et toujours lisible.
Le son :
Le film est affublé d’une musique ininterrompue qui ne brille pas par ses audaces, une vraie musique d’accompagnement plutôt bien restituée mais sans finesse excessive.
Galerie photos
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