Le 18 mars 2019
Sans doute la meilleure adaptation de ce roman complexe, alerte et puissante.
- Réalisateur : Paul Leni
- Acteurs : Mary Philbin, Conrad Veidt, Olga Baclanova
- Genre : Drame, Film muet, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Splendor Films
- Durée : 1h56mn
- Reprise: 3 avril 2019
- Titre original : The Man who laughs
- Date de sortie : 28 décembre 1928
L'a vu
Veut le voir
– Reprise en version restaurée 4K et avec une nouvelle composition musicale : le 3 avril 2019
Résumé : En Angleterre, à la fin du XVIIe siècle, le roi Jacques se débarrasse de son ennemi, le Lord Clancharlie, et vend son jeune fils, Gwynplaine, aux trafiquants d’enfants qui le défigurent. Le garçon s’enfuit et sauve du froid un bébé aveugle, Dea. Tous les deux sont recueillis par Ursus, un forain. Gwynplaine, baptisé "L’Homme qui rit", devient un célèbre comédien ambulant. Le bouffon Barkilphedro découvre son ascendance noble et la dévoile à la reine Anne, qui a succédé au roi Jacques.
Notre avis : Publié en 1869, le roman de Victor Hugo, touffu et érudit, n’a pas connu le succès et demeure encore aujourd’hui une œuvre dans laquelle il est facile de se noyer, tant les digressions et la profusion savante surchargent un ressort mélodramatique très simple. Dès lors, il était tentant pour le cinéma de ne garder que l’intrigue : un enfant mutilé qui ignore qu’il est d’extraction noble, une jeune aveugle, un faux misanthrope, des grands sentiments et l’Angleterre du dix-septième siècle. Couleur locale, amour et manichéisme font oublier la dimension politique et philosophique du roman, et peuvent même conduire à une imagerie naïve, ce que n’a pas toujours évité la dernière version en date.
Il en va autrement pour le film de Leni, son avant-dernier, dont les excès mêmes (ceux des acteurs, et d’une réalisation que ne rebutent pas les effets voyants) s’accordent à la grandiloquence hugolienne. Cela donne, pour le meilleur, de très belles séquences, comme la pièce de théâtre simulée pour que Dea ignore l’absence de Gwynplaine, ou la découverte du bébé dans la neige. Pour le pire, mais il est moins présent, les minauderies et les postures larmoyantes peuvent agacer.
Reste qu’en étant fidèle à la trame de Hugo, le film creuse une interrogation intéressante sur les apparences et le dissimulé : c’est un festival, depuis Gwynplaine dont le rictus cache la sensibilité jusqu’aux lords cérémonieux mais cruels en passant par la reine bouffie et le fiancé crétin. Le monde est un théâtre (et la référence à Shakespeare est explicite), mais un théâtre impitoyable pour les purs et doux pour les corrompus ou les intrigants. Dea est ainsi bien trop honnête et tendre pour y survivre : il suffit d’éprouver des sentiments pour être perdu mais contrairement au roman, happy end oblige, le film la sauve par l’exil. Paradoxe propre au poète, la jeune fille est aveugle, donc elle voit juste.
Pour mettre en scène cet univers excessif, Leni cherche et trouve des équivalents cinématographiques au verbe hugolien. Les gros plans des lords suffisent par exemple à dire leur suffisance. Mais c’est aussi par le mélange des genres qu’il tente de rivaliser avec la verve iconoclaste du poète. Ainsi mêle-t-il au mélodrame la comédie, la satire ou le film de cape et d’épée, en un tourbillon puissamment rythmé et bondissant. On ne s’y ennuie jamais, les péripéties se succédant sans réel temps faible.
Bien sûr, on pourra juger que Conrad Veidt en fait trop. Il parvient pourtant à incarner un personnage impossible, ou plutôt une idée de personnage. Et, répétons-le, la caricature s’accorde parfaitement à un sujet lui-même traversé par des oppositions et des hyperboles qui ne prêtent pas à la nuance. De plus, comme le montage trépidant et la reconstitution sont soignés, L’homme qui rit, malgré ses quatre-vingt-dix ans passés, conserve un charme certain qui ne le réserve pas aux seuls archéologues du cinéma.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.