Que Dieu bénisse l’Amérique
Le 5 janvier 2017
Entre réflexion historique et fougue ardente, un film choc qui rappelle que l’Amérique s’est construite aussi avec le sang et la sueur des esclaves.
- Réalisateur : Nate Parker
- Acteurs : Penelope Ann Miller, Armie Hammer, Nate Parker
- Genre : Drame, Biopic, Historique
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 15 septembre 2020 23:10
- Chaîne : C8
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 11 janvier 2017
- Plus d'informations : La page Facebook du film
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Résumé : Trente ans avant la guerre de Sécession, Nat Turner est un esclave cultivé et un prédicateur très écouté. Son propriétaire, Samuel Turner, qui connaît des difficultés financières, accepte une offre visant à utiliser les talents de prêcheur de Nat pour assujettir des esclaves indisciplinés. Après avoir été témoin des atrocités commises à l’encontre de ses camarades opprimés, et en avoir lui-même souffert avec son épouse, Nat conçoit un plan qui peut conduire son peuple vers la liberté…
Tout est politique, y compris le cinéma, et ce n’est pas le climat populiste autour de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis qui va nous contredire. Aujourd’hui, nombre de réalisateurs, comme ici Nate Parker (dont c’est le premier film), réagissent en mettant sur les rails des projet qu’ils portent viscéralement en eux. Certes, des films sur l’esclavage, il y en a déjà eu beaucoup. Mais comment expliquer leur prolifération sur les écrans depuis le début des années 2000 ? C’est à croire que l’Amérique, actuellement en proie à de violentes incompréhensions communautaires, exprime un besoin fondamental de passer par le septième art pour panser ses plaies. Après le Vietnam dans les années 70-80, puis récemment la guerre en Irak (Dans la vallée d’Elah), Hollywood serait-il pris de remord, après les accusations d’avoir volontairement peu représenté la communauté afro-américaine lors de la dernière cérémonie des Oscars ?
- 2016 Twentieth Century Fox
Birth of a nation intervient après le défouloir Django Unchained (2012), la mini-série The Book of Negroes (2015) qui évoquait le parcours des esclaves d’Afrique en Amérique, et des films militants comme 12 years a slave (2014) ou le fondateur Lincoln (2013). On n’omettra pas de citer les œuvres sur les Jim Crow Laws, la ségrégation et les mouvements des droits civiques, de Selma (2015) à La Couleur des sentiments (2011).
Aussi, The Birth of a nation aborde le thème à sa façon. Il ravive la souffrance d’êtres traités jadis comme des bêtes, sans omettre pour autant d’exposer les horreurs de la servitude des Afro-Américains. Son objectif historique est de rappeler que la nation des États-Unis telle que nous la connaissons, s’est forgée dans la douleur et au prix de la sueur des esclaves et grâce aux siècles de souffrance qu’ils ont connus.
A travers son film, Nate Parker souhaite restituer la fierté volée d’une communauté qui a été longtemps exploitée et usurpée sans sa manne économique et sociale, et qui mérite bien plus d’égards que des clichés.
Avec brio, il dépeint la vie des esclaves des états du Sud, de leur naissance déterminée au statut de l’infamie à l’âge adulte, oscillant efficacement entre leurs « propriétaires » et la manière dont ils traitent leurs « propriétés ». Avec un recul essentiel qui fait toute la force du film, le jeune cinéaste de 37 ans évoque le parcours d’un prêcheur noir, Nat Turner, chargé par un métayer blanc, avec qui il a grandi, de visiter les plantations des alentours pour montrer aux esclaves récalcitrants que Dieu les pousse à la servitude. Ce même prêcheur finira par se servir de la Bible comme d’un bras armé pour mener une révolte particulièrement sanglante. Ses actes conduiront les autorités du XIXe siècle à voter des lois encore plus sévères envers sa communauté...
- 20th Century Fox
Film d’idées, mené intelligemment, The Birth of a nation s’attarde sur un parcours individuel pour s’attarder sur un message, au détriment du sacro-saint rythme : la narration tarde donc à démarrer. Mais qu’importe, à l’instar de la marche finale de Selma, la fameuse révolte ici n’est pas la priorité du réalisateur, plus enclin au débat sur la place des Afro-Américains aux États-Unis, qu’à vouloir fomenter lui-même des révoltes dans le sang et les larmes ; il relance le combat des idées et préfère l’éclairage historique pour que la génération contemporaine d’Afro-américains puisse mieux connaître son histoire et ainsi mieux appréhender son présent et son avenir.
- 2016 Twentieth Century Fox
Dans ce contexte, l’on comprend mieux le choix du titre, nullement anodin, puisqu’il évoque directement l’œuvre de D.W. Griffith, Naissance d’une nation (1915) qui, d’un point de vue sudiste, dépeignait l’Amérique au lendemain de la guerre de Sécession, faisant des membres du Ku Klux Klan des héros et des Afro-Américains…des brutes ! Une œuvre raciste qui suscita une polémique sans précédent lors de sa sortie et au-delà, car le film se servait de la religion pour sous-entendre que le Divin approuvait les actions du Klan.
Nate Parker a commencé par faire une constatation très simple : si D.W. Griffith, qui a réalisé un film raciste et fait la promotion d’une organisation détestable comme le Ku Klux Klan a, au cours de sa carrière, remporté un Oscar d’honneur, alors pourquoi l’Académie "jugée trop blanche" ne lui permettrait pas à lui, un Afro-Américain, d’être à son tour récompensé ?
- 20th Century Fox
Mais c’était sans compter les cadavres dans le placard. Suite à des allégations de viol, qui remontent aux années lycée du réalisateur, l’Académie des Oscars a retiré son soutien au film et le succès commercial n’a pas été au rendez-vous, malgré un accueil triomphal quelques mois auparavant à Sundance. Un passé judiciaire trouble, puisque le coscénariste du film était lui-même impliqué dans cette sinistre affaire.
- 2016 Twentieth Century Fox
Impossible encore de savoir quelles répercussions cette polémique aura sur la carrière du film en France, le public francophone ne réagissant jamais de la même manière qu’en Amérique. Mais dans tous les cas, ce pamphlet contre l’esclavage permettra aux Français de découvrir un personnage controversé, loin d’être un simple martyr, digne d’une belle et puissante reconstitution historique, au cœur des plantations sudistes.
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