That’s life ! (C’est la vie !) - la critique

L’argument : Chanteuse de renom, Gillian Fairchild est atteinte d’une tumeur à la gorge dont elle ne sera fixée sur la gravité que dans soixante-douze heures. Énergique et volontaire, elle dissimule son angoisse à son entourage et continue à jouer, avec sang froid, son rôle de pivot de la famille. Elle est la confidente et le soutien de chacun, principalement de son mari, Harvey, architecte prospère déçu dans ses ambitions, anxieux et hypocondriaque, que l’imminence de la soixantaine, la perspective d’être grand-père et le spectre de l’impuissance poussent au bord de la dépression.

Notre avis : Le synopsis qui précède ne doit pas tromper : That’s life n’est ni un mélodrame tire-larmes, ni une obscure machine à Oscar autour d’une « terrible maladie », mais l’un des films les plus aboutis (et méconnus) de Blake Edwards. Le grand mérite de l’œuvre est de maintenir un équilibre permanent entre le comique et le tragique, avec une narration minimaliste en apparence seulement. Tourné dans la somptueuse propriété personnelle du cinéaste, interprété par certains membres de sa famille, le film a une indiscutable teneur autobiographique, tout en faisant écho à des productions antérieures : comme dans The party , une situation unique se développe, jusqu’à sa résolution, sur une durée connue (trois jours), autour d’un personnage déphasé et atypique ; à l’instar de Diamants sur canapé, le savoureux alliage de situations cocasses et de mélancolie douce-amère maintient le film dans un état de grâce permanent ; tout comme La panthère rose , le récit permet de s’attacher à des seconds rôles pittoresques qui distillent une étrangeté hors norme : Sally Kellerman en nymphomane sur le retour, Robert Loggia en ecclésiastique ivrogne ou Felicia Farr en diseuse de bonne aventure ne sont pas pour rien dans le sentiment de décalage insufflé par l’auteur. Mais That’s life est surtout une merveille d’élégance de style, le cinéaste privilégiant un cadre fixe tout en traitant plusieurs scènes dans un seul plan : le moment où Harvey est ausculté sur un lit d’hôpital ou celui où Gillian marche sur la plage alors que s’approche son amie extravertie sont ainsi révélateurs de la « Edward’s touch ». En outre, le cinéaste s’est entouré d’une équipe technique et artistique de qualité, à commencer par le fidèle Henry Mancini pour la chanson Life in a looking glass ou Anthony B. Richmond pour de superbes cadrages en Scope. Quant aux deux interprètes principaux, ils se meuvent avec bonheur dans ce dispositif fait pour eux : Jack Lemmon combine la fantaisie de Certains l’aiment chaud et le ton dramatique de Missing. Julie Andrews, épouse du cinéaste et ex-Mary Poppins, retrouve la finesse de jeu de Victor Victoria et trouve l’un de ses meilleurs rôles de maturité.