Intersection parallèle
Le 21 mai 2003
Les chemins parallèlement opposés d’un homme et d’une jeune fille dans le Hong-Kong d’aujourd’hui.


- Auteur : Liu Yichang
- Editeur : Philippe Picquier
- Genre : Roman & fiction

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Comment vivre dans le présent quand la réalité n’est que le fil ténu qui relie un homme à son passé, quand elle n’est que le prétexte pour une jeune fille à rêver de son avenir ? Tête-bêche apporte une réponse onirique et musicale, qui a inspiré le cinéaste Wong Kar-waï pour son film In the mood for love.
Ne cherchez ni Maggie Cheung ni Tony Leung, les héros d’In the mood for love dans Tête-bêche, ne cherchez pas d’intrigue compliquée non plus, il n’y en a pas. Ce qu’il y a dans le roman de Liu Yichang, écrivain originaire de Shanghai qui a émigré à Hong-Kong en 1948, ce sont les destins qui n’ont que peu de chance de se croiser d’un homme accompli, seul et qui se nourrit de ses souvenirs, et d’une adolescente capricieuse qui promène sa jeunesse et ses rêves d’avenir dans la Hong-Kong des années 60.
Une ville qui alimente les rares dialogues du roman : l’insécurité galopante, le prix de l’immobilier, la surpopulation, les moyens d’y faire fortune. Une ville au présent, parce qu’il faut bien un espace-temps commun pour laisser à A Xing et Chunyu Bai la possibilité de se rencontrer dans cette réalité qui les intéresse aussi peu l’un que l’autre, qu’A Xing fuit en fantasmant sur son futur mari ou sa future carrière de chanteuse ou d’actrice tandis que Chunyu Bai s’en échappe en replongeant dans son passé à Shanghai, à Singapour, à Kuala Lumpur, à Chungkink...
Liu Yichang décortique ainsi dans un jeu d’alternance minimaliste et rigoureux les monologues de ces deux personnages qui avancent sur des chemins parallèles et dans des directions aussi opposées que le sont le nord et le sud, l’est et l’ouest. Tête-bêche, "parallèlement et opposé". Tête-bêche, c’est aussi une expression philatélique qui désigne deux timbres reliés entre eux et imprimés en sens inverse l’un de l’autre, ou comme le dit Wong Kar-waï, "l’intersection des temps".
Et si tête-bêche, c’était aussi la position des deux corps reproduits sur la photo pornographique qu’A Xing trouve dans la rue et qui imprègnera d’une volupté nouvelle ses rêveries d’avenir heureux ? Parce que, soyez-en assuré, c’est surtout en rêve que les chemins de l’homme et de la jeune fille finiront par se croiser.
Liu Yichang, Tête-bêche (Duidao - Changpian xaioshuo, traduit du chinois par Pascale Wei-Guinot), Ed. Philippe Picquier, 2003, 182 pages, 18,50 €