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Le 21 mars 2006
Quelle connerie, la guerre. L’après-guerre aussi. Duong Thu Huong raconte le destin de trois victimes du conflit qui a ravagé son pays.
Quelle connerie, la guerre. L’après-guerre aussi. Duong Thu Huong raconte le destin de trois victimes du conflit qui a ravagé son pays.
Ils sont trois, Miên, Hoan et Bôn, à se partager les huit cents pages de Terre des oublis. Une femme et deux hommes, ses deux maris, celui d’aujourd’hui, l’autre épousé quatorze ans plus tôt avant que la guerre du Vietnam, puis des années de réclusion dans la jungle ne les séparent. Jusqu’à ce jour où Bôn, dont la mort avait été annoncée pendant le conflit, revienne dans son village, le Hameau de la Montagne, pour réclamer son bien : Miên.
Il n’aura pas à élever la voix. Dans cette société où la pression de la communauté et les traditions écrasent les libertés, la belle Miên n’a d’autre choix que retourner auprès de ce héros qui a donné sa jeunesse à son pays. Qu’elle laisse derrière elle un enfant ne change rien. Que Bôn soit dans la misère et n’ait même plus la force de cultiver la terre non plus.
Terminée, pour Miên, la vie bourgeoise que lui offrait Hoan, le plus riche commerçant de la région. Désormais les grains de riz se comptent. En silence. Miên et Bôn n’ont rien, rien d’autre qu’un passé commun que la jeune fille, mariée trop tôt, a oublié mais auquel s’accroche le vétéran qui, nuit après nuit, tente d’arracher un enfant à son épouse. Laquelle ne lui offre même pas un regard. Hoan, lui, s’est réfugié en ville. Ses affaires s’en portent mieux, son cœur et son corps non.
La chute est collective. Elle est celle d’un pays que la guerre a ravagé, celle d’une terre où la vie, les rires et les rêves ont été oubliés, mais pas le passé, désormais idéalisé. Impossible d’avancer quand la lumière est derrière soi et ne projette vers l’avant que les ombres de victimes toutes innocentes.
L’espoir, pourtant, existe encore et Duong Thu Huong (qui vit depuis des années en résidence surveillée) le place en Miên, incarnation des femmes vietnamiennes résolues à prendre leur destin en main. Dévoré à pleines dents, Terre des oublis laisse le goût épicé d’un tout grand roman engagé. La sensualité et la gourmandise qui le traversent y sont aussi pour beaucoup.
Duong Thu Huong, Terre des oublis (traduit du vietnamien par Phan Huy Duong), éd. Sabine Wespieser, 2006, 800 pages, 29 €
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