Taza, fils de Cochise - Douglas Sirk - critique

Critique : Cet unique western de Sirk est assez peu connu et il a mauvaise réputation ; on attendait peut-être du cinéaste qu’il revivifie le genre comme il l’a fait pour le mélodrame. Mais Sirk, ravi de profiter de l’occasion qui lui a été offerte, et l’on peut supposer que pour cet immigré ce fut une preuve de sa remarquable intégration, suit les codes et l’imagerie du western avec un respect un peu figé et finalement transpose ce qu’il sait faire de mieux : on peut en effet reconnaître des éléments du mélodrame dans cette intrigue peu fouillée, que ce soit l’amour impossible, la guerre des frères ou la question de l’identité. Il retrouve son goût des sentiments extrêmes dès les premières et magnifiques séquences : la mort de Cochise advient sous le double sceau du legs (continuer son œuvre de paix) et du secret (ne pas savoir où il sera enterré), autrement dit des topoï mélodramatiques.
Très vite cependant, le film accumule les scènes de violence (duels, attaque de fort) et Sirk se révèle plutôt habile pour mener avec concision et rigueur ces grands moments : la prise de Fort Apache en particulier, est remarquable de densité. D’autant qu’elle débouche non pas sur un nouveau conflit, mais sur un apaisement et une amitié entre Taza et le capitaine Burnett, qui vont s’opposer au frère du premier et à Geronimo et déplacer l’intérêt. Clan contre clan, l’enjeu dramatique est assez binaire et prévisible ; plus le film avance, hélas, plus cette simplification prend le pas sur l’aspect tragique et, osons-le dire, existentiel : la question n’est plus : « qui suis-je ? », mais « les méchants seront-ils punis ? ». Ce qui, bien sûr, limite à la fois l’ambition et l’intérêt. Si les péripéties s’enchaînent, parfois avec panache, elles ne peuvent prétendre à l’originalité : les Blancs vendant des armes et se faisant tuer, l’attaque dans le canyon, tout cela sent un peu le réchauffé, sans que Sirk ait à dire quelque chose de neuf sur le sujet. On pourra toujours s’amuser de ce que ce soit les Indiens qui jouent le rôle de la cavalerie en intervenant au dernier moment, mais cela n’empêche pas une fin expédiée et somme toute assez plate.
Plate, l’interprétation l’est aussi : Rock Hudson est plutôt raide, Barbara Rush se tire comme elle peut d’un personnage effacé, et les comparses ne font pas dans la finesse. À leur décharge, les dialogues manquent de nuances, se réduisant très souvent à des commentaires redondants.
Pas de quoi donc crier au chef-d’œuvre méconnu. Néanmoins, les amoureux de Sirk seront séduits par une première partie agréable et les amateurs de westerns trouveront avec plaisir les ressorts d’un métrage classique, reprenant divers motifs attendus. On ne saurait davantage faire l’impasse sur d’évidentes réussites : les flèches traversant les corps, tel plan d’Oona s’éloignant de dos ou l’utilisation des décors naturels. Bertrand Tavernier prétend que ce film change de dimension s’il est vu en relief. On le croit sur parole.

Le DVD/Blu-ray

Les suppléments :
Comme pour beaucoup de galettes de cette collection, la galerie photos et la bande-annonce accompagnent les analyses de Bertrand Tavernier (19mn) et Patrick Brion (8mn). Le second semble apprécier le film mais il en parle au fond très peu, alors que le premier trouve surtout des qualités à la version 3D, que nous ne verrons pas… Tous deux sont en revanche d’accord sur la plus belle séquence du film.

L’image :
On oubliera bien vite les petits parasites du début, parce que la copie est stable, son piqué satisfaisant et le grain réservé au ciel. Quant aux couleurs, elles épatent par leur fraîcheur.

Le son :
Même si le relief est évidemment limité, les dialogues sont parfaitement audibles, et la musique omniprésente a une certaine ampleur. La VF a, comme c’est souvent le cas, mal vieilli, mais elle est claire.