Le 12 avril 2025
Sur mes lèvres est un film fake, surligné par des effets cinématographiques prévisibles.


- Réalisateur : Jacques Audiard
- Acteurs : Vincent Cassel, Emmanuelle Devos, Christiane Cohendy, Olivier Gourmet, Olivia Bonamy, Olivier Perrier, Bernard Alane, Céline Samie
- Genre : Drame, Romance
- Distributeur : Pathé Distribution
- Editeur vidéo : Pathé Vidéo
- Durée : 1h55min
- Date de sortie : 17 octobre 2001

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– Sortie restaurée Édition Limitée Combo Blu-ray DVD : 26 mars 2025
Résumé : Carla Bhem, une jeune femme de trente-cinq ans au physique plutôt moyen et qui porte des prothèses auditives, est secrétaire à la Sédim, une agence immobilière, mais elle est payée une misère et souffre d’un manque de considération de la part de ses employeurs. Son existence triste et solitaire va prendre une tournure différente avec l’arrivée dans la société de Paul Angéli, une nouvelle recrue de vingt-cinq ans, plutôt beau gosse, mais qui n’a aucune compétence dans la promotion immobilière. Celui-ci cherche à se réinsérer après avoir fait de la prison. Une histoire d’amour improbable, doublée de manipulation réciproque, va naître entre ces deux marginaux.
Le test Blu-ray
- © Pathé Vidéo
L’image :
L’image, en version restaurée 4K à partir du négatif original, donne au film un impact visuel novateur et accrocheur sans pour autant trahir les intentions premières et plutôt intimistes du réalisateur.
Le son :
La musique originale est toujours au rendez-vous avec un plaisir majoré tout en étant retrouvé. Les dialogues, de par leur texture, sortent gagnants de cette restauration. La lisibilité est parfaite.
Les suppléments :
Ils sont nombreux et nous aurions tort de bouder un tel éventail de champ de possibilités pour mieux saisir les subtilités de ce film aux trois César :
– Sur mes lèvres : Entretiens autour du film avec Jacques Audiard, Tonino Benacquista et Mathieu Vadepied (durée : 39 minutes) ;
– Scènes inédites -avec commentaires optionnels de Jacques Audiard- (durée : 8 minutes) ;
– Interview de l’écrivain et scénariste Tonino Benacquista (durée : 20 minutes) ;
– Interview du compositeur Alexandre Desplat (durée : 14 minutes) ;
– Commentaire audio de Jacques Audiard ;
– Commentaire audio de Vincent Cassel et Emmanuelle Devos.
Éric Françonnet
Critique : Le cinéma de Jacques Audiard, ce n’est vraiment pas si fort qu’on croit et Sur mes lèvres en est un des exemples les plus tangibles, comme un concentré des afféteries qui ont fait le style d’un réalisateur très nettement surestimé : on évoquera surtout cette subjectivation outrancière, qui convoque les frères Dardenne, mais transite ici par des gros, voire des très gros plans répétés sur les personnages, de manière à créer de pseudo effets de réel, notamment liés au handicap auditif de l’héroïne. C’est visuellement lourdaud, d’autant que le personnage, réduit à une sorte de cliché, paraît défendre dans chaque scène, par son corps retenu, ses minauderies appuyées, l’idée d’un stéréotype de fille socialement ostracisée, psychologiquement entravée, mais qui voudrait bien. Pour lui conférer un semblant de consistance, Emmanuelle Devos multiplie les tics d’expression, affecte sa voix, ses postures, se fend d’un regard caméra, ratiocine au cours d’un monologue, qui semble comme une étape obligée. L’investissement fut rentabilisé : César 2002 de la meilleure actrice.
De son côté, Paul n’existe que comme antithèse caricaturale, pour que les protagonistes soient conformes au trajet qui leur est assigné, cheminent par l’union de leurs solitudes, dansent un tango symbolique et improbable, montrent que les contraires peuvent s’attirer, tout en ne perdant pas de vue qu’ils sont contraires. Le jeu monochrome de Vincent Cassel fixe un archétype de petite frappe, rattrapé par son passé, qui choisit d’utiliser la capacité de Carla à lire sur les lèvres des locuteurs, le film abandonnant la chronique sociale pour marcher sur les traces d’un polar ennuyeux, parce que trop orthodoxe. Jacques y rappelle qu’il est le digne fils de Michel (d’où le coup de poing impromptu asséné à un ennemi, sur le seuil d’une porte). Bref, ce cinéma, qui ne se prive pas de ralentis dramatiques ou amis du suspense, sent beaucoup trop la volonté d’épater pour qu’on y adhère, avec le sentiment d’apprécier un grand réalisateur.
Jérémy Gallet