Le 15 novembre 2020
Grâce au style très épuré de l’auteure, le lecteur est plongé dans l’esprit de Gorô, protagoniste du roman. Le texte évoque histoire d’un homme qui s’enferme dans un quotidien confortable, pour ne pas affronter ses blessures. Ce récit facétieux raconte la fin des illusions d’un Narcisse japonais.
- Auteur : Aki Shimazaki
- Collection : Babel
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman
- Nationalité : Canadienne, Japonais
- Date de sortie : 15 octobre 2020
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Résumé : Gorô a tout réussi dans sa vie : il est PDG d’une entreprise d’importation de whisky, mari d’une femme douce et aimante, père de famille sans histoire. Il a du succès auprès des femmes et suscite l’admiration. Du moins, c’est ce qu’il croit.
Critique : Suisen : narcisse. Le glossaire à la fin du roman nous donne la définition des termes japonais qui ne sont pas traduits dans ce court roman. Ce choix de conserver des mots japonais témoigne de la double culture de l’auteure, née au Japon, mais qui vit depuis quarante ans au Canada. Aki Shimazaki écrit en français des cycles littéraires, des pentalogies jusqu’alors. Suisen est le quatrième récit du cycle intitulé L’ombre du chardon, qui s’attarde sur chaque personnage d’un même texte, qui interagissent dans le Japon contemporain. Chaque roman se lit très bien indépendamment, mais donne envie de découvrir les autres histoires de la série.
Les termes japonais inscrivent l’histoire contemporaine dans la tradition nationale, permettant d’accentuer le caractère unique de cette culture et ainsi d’encourager une distance du lecteur. Dans ce livre sur l’orgueil, on ne sent pas de jugement de la part de l’auteure, mais de la bienveillance pour le personnage, qui évolue comme il le peut avec les armes qu’on lui a données.
Gorô est davantage préoccupé par le choix de ses cravates pour aller en soirée que par les décisions stratégiques de l’entreprise. Les scènes consacrées à son apparence sont nombreuses, car le héros tient absolument à montrer sa réussite. Il exige la déférence de ses collaborateurs et tous ses actes sont mus par l’idée d’impressionner. Il dispose ainsi d’une collection de photos avec des personnalités qu’il affiche chez lui, comme au bureau, pour montrer son réseau social.
Surtout, Gorô collectionne les maîtresses. Il a épousé sa femme par arrangement et lui cache ses nombreuses liaisons. Ce qu’il aime, c’est séduire et se sentir admiré. Peu importe la personnalité de ses amantes : il cherche le confort, la docilité et la satisfaction de ses besoins immédiats. Gorô semble dénué de sentiments amoureux ou de toute forme d’attachement : ce qui importe, c’est l’image qu’il représente et celle qu’il donne à son entourage.
Très subtilement, le roman va peu à peu dévoiler au personnage combien ses certitudes sont infondées. Et si sa reconnaissance tenait davantage à son rang qu’à sa personnalité ? C’est cette quête de lui-même qu’il n’a pas accomplie et lui ôte toute profondeur : l’homme ne sait pas qui il est vraiment, trop préoccupé par son image et les apparences.
En traitant du narcissisme de notre époque, Aki Shimazaki cherche à comprendre l’origine du phénomène, dans une démarche presque psychanalytique. Elle parle aussi de la société japonaise contemporaine, de ses attentes et des non-dits qui en découlent. Ce court texte traite brillamment de grands sujets, de la nécessité de ne pas se laisser enfermer dans ses certitudes et d’ouvrir son esprit. Quoi de mieux que la lecture pour y contribuer ?
11.00 x 17.60 cm
144 pages
6.80€
Babel n° 1700
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