Stripped - Yaron Shani - la critique du film

Critique : Dès la première séquence, à la mèche bleue de ses cheveux qui lui barre le visage, on reconnaît l’écrivaine à succès dont le premier opus, Shaned avait tu les raisons de sa détresse apparente. Elle fait son entrée dans le film à travers un sommeil profond et douteux, qui lui empêche d’entendre son téléphone sonner et les chiens aboyer depuis la salle de bain. On retrouve rapidement la jeune sœur hystérique et cassée du premier épisode, on entend parler de la tuerie atroce d’Abigaye par son mari policier, et on rencontre cet adolescent sensible et mystérieux, Ziv. Yaron Shani expérimente une nouvelle façon de faire le cinéma, en invitant les comédiens à jouer leur personnage au cœur même de la ville et en mêlant habilement les images de la réalité et celles de la fiction Le flou de la nudité, qu’il s’agisse des acteurs eux-mêmes ou des figurants, fonctionne comme un emblème de cette mise en scène, résolument moderne et innovante.

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Il y a d’abord la fiction. Celle de cette écrivaine à succès, dont on apprend très vite qu’elle a été victime d’un viol par un cambrioleur et celle de ce lycéen qui cherche à renoncer au service militaire, en faisant valoir ses talents de guitariste. Il y a aussi un regard sur toute une société israélienne, prise dans les contradictions de son modèle économique et religieux, et qui se débat entre son appétence au progressisme social et ses relents réactionnaires. L’adolescent incarne particulièrement le débat sociétal. Il lutte grâce à sa compétence musicale contre l’absurdité d’un service militaire qui retire les jeunes gens pendant trois ans de la société civile ; il montre par ailleurs une sexualité confuse, où l’on ne sait pas si le personnage est attiré par ses camarades, ou s’il tente de se forger une identité hétérosexuelle, en laissant passer sur son ordinateur des films pornographiques pendant qu’il répète ses partitions ; et il est l’expression de ces classes aisées, où les enfants sont quasiment livrés à eux-mêmes, les parents tentant de régler leurs propres contradictions. Le long-métrage parle aussi de la prostitution, des abus sexuels et du statut de la femme réduite au mieux à un sujet médiatique, au pire à un objet sexuel.

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Nous sommes donc devant un grand film. Le souffle romanesque de Yaron Shani emporte littéralement le spectateur dans ce récit tragique. On souffre avec les protagonistes, comme si on avait été invité à vivre auprès de ces deux personnages. A la fois ethnologue, à la fois contemplatif, le spectateur regarde ces être fragiles exprimer la douleur, la colère ou la violence. Même les chiens affamés, enfermés depuis des jours dans l’appartement d’Alice, qui étalent leurs déjections sur le sol faute de sorties et qui hurlent leur angoisse, génèrent l’empathie du spectateur. Pourtant, Yaron Shani fait montre d’une grande pudeur et d’une véritable attention à ne pas succomber à la surenchère dans sa mise en scène. Certes, le scénario qui mélange les temporalités, risque une fin cousue de fil blanc. Peu importe. L’intensité du récit se noue au fil de ces nombreux personnages, souvent blessés, perdus dans leur rapport complexe au monde et à l’amour, terminant avec brio un triptyque fascinant et terrifiant à la fois.