Sous mon sein, la grenade
Le 10 juillet 2020
Second volet du diptyque proposé par le réalisateur israélien Yaron Shani, Beloved interroge la place des femmes dans nos sociétés contemporaines, en remettant en cause leurs statuts de mère, à travers le portrait d’une femme en quête de bonheur.


- Réalisateur : Yaron Shani
- Acteurs : Stav Almagor, Stav Patay, Ori Shani, Leah Tonic
- Genre : Drame
- Nationalité : Israélien
- Distributeur : Art House Films
- Durée : 1h48mn
- Titre original : Leyd'a
- Date de sortie : 15 juillet 2020

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Résumé : Infirmière dévouée dans un hôpital de Tel-Aviv, Avigail mène une existence effacée entre sa fille adolescente et son mari Rashi. Le jour où ce dernier est ébranlé dans sa vie professionnelle, la fragilité de son couple lui apparaît brutalement. Elle réalise n’être plus vraiment maîtresse de ses choix de vie. Saura-t-elle se reconnecter à elle-même ?
Critique : C’est au sein du microcosme que forme le couple que le réalisateur israélien Yaron Shani a posé sa caméra pour son retour au cinéma, plus de dix ans après le succès d’Ajami, coréalisé avec Scandar Copti, qui avait remporté des prix prestigieux. Une nomination à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, un prix Caméra d’Or - Mention spéciale à la Quinzaine des Réalisateurs 2009 et une dizaine d’années de maturation plus tard, celui qui est considéré comme l’un des talents les plus prometteurs du septième art israélien propose un diptyque censé expliquer, en donnant le point de vue d’un homme puis de sa compagne, l’incompréhension qui amène progressivement deux êtres à se séparer.
Le premier volet, Chained, s’attardait ainsi sur une vision toute masculine de la société et du couple, grâce au personnage de Rashi, policier bourru et inquiet, alors que le second opus, Beloved, promettait d’apporter le point de vue féminin à travers le regard d’Avigail, infirmière en EHPAD, qui partage l’éducation d’une adolescente avec son nouveau conjoint, dont la gamine ne supporte pas l’autorité.
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Ce second film, dont les hommes sont quasiment absents ou représentés comme abusifs, violents ou égoïstes, évoque des femmes qui, face à une société patriarcale, se retranchent en communauté où elles se sentent en sécurité. En poussant Avigail à s’éloigner de son mari et à se rapprocher d’autres femmes, moins effacées, plus sûres d’elles-mêmes, mais qui ont tout autant de difficultés, le réalisateur introduit d’autres personnages et déconcentre ainsi le scénario de celle qui devait en être l’héroïne.
Certes, la comparaison entre Avigail et son entourage permet de constater qu’elle n’est ni épanouie, ni heureuse, mais mariée et mère par simple habitude. Douce, effacée et finalement soumise, cette infirmière au grand cœur ne s’exprime pas et ne se donne l’autorisation de crier que dans son petit intérieur. Au détriment de son épanouissement personnel et de choix de vie qui auraient pu la rendre plus heureuse.
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Beloved est plutôt l’opportunité pour le réalisateur de s’interroger sur la société israélienne contemporaine. Qu’est-ce que cela signifie, en 2020, d’être une femme en Israël ? Les enfants, qui composeront la société de demain, sont-ils suffisamment protégés ?
Le film évoque davantage l’amour filial et pose la question de l’instinct maternel et de l’amour que l’on peut donner à un enfant qui n’est pas le sien. Les femmes, à l’instar d’Avigail, s’interrogent sur leur place dans le monde, notamment en tant que mère et épouse.
Le long-métrage tente, en présentant les relations parfois compliquées entre un parent et son enfant, d’exposer les mécanismes qui permettent à une famille de se former, de prospérer, quitte à se déchirer. Et, en posant ces questions, s’éloigne du contrat initial, qui n’est pas respecté.
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Alors que Rashi occupe presque toutes les scènes de Chained, Avigail n’est pas forcément le personnage principal de Beloved, et aurait gagné à s’exprimer encore davantage. En la faisant entrer dans un cercle féminin qui va lui permettre de se rendre compte qu’elle n’est pas heureuse et d’exprimer ce qu’elle retient depuis des années, Yaron Shani signe un film lumineux, là où son premier opus était mortifère. Complémentaires, mais pouvant très bien être vus indépendamment, les deux films ne se répondent finalement pas plus que ça l’un à l’autre, tout en parvenant à enrichir le propos.