Zone interdite
Le 11 juin 2016
Tarkovski filme un voyage initiatique troublant dans un paysage apocalyptique et désolé. Un cheminement lent mais extrêmement dense, à vivre comme une expérience.
- Réalisateur : Andreï Tarkovski
- Acteurs : Aleksandr Kaidanovsky, Anatoli Solonitsyn, Nikolaï Grinko, Alisa Freyndlikh, Faime Jurno
- Genre : Drame, Science-fiction, Expérimental
- Nationalité : Allemand, Russe
- Distributeur : Potemkine Distribution
- Durée : 2h23mn
- Date télé : 28 octobre 2023 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 5 juillet 2017
- Titre original : Stalker
- Date de sortie : 18 novembre 1981
- Festival : Festival de Cannes 1980
– Année de production : 1979
Résumé : Quelque part... à une époque inconnue... Que s’est-il passé sur cet univers où ne règne que la désolation ? Ruines inondées, brume, froideur, contrastant avec cet endroit étrange, cerné de barbelés et de miradors, étroitement gardé : La Zone. Région mystérieuse d’où une armée n’est jamais revenue, mais qui abriterait une maison renfermant une Chambre comblant les vœux de l’homme qui y pénètre. Cet endroit, seuls les Stalkers, ces guides, passeurs, contrebandiers, osent s’y aventurer. L’un d’entre eux, accompagné de deux clients, un écrivain et un savant, entreprend ce périlleux voyage. Que cherchent-ils dans ce paysage idyllique ? Quelque chose... pour le Stalker la guérison de sa fille : pour l’écrivain l’inspiration ? Ensemble, ils atteignent la Chambre, cœur profond de La Zone. Qu’ont-ils découvert ? Peut-être eux-mêmes...
Critique : Des entassements de ferraille, des passages abandonnés et délabrés aux allures d’égoûts de nulle part, au milieu d’une nature froide respirant à la fois la verdure et l’humidité : c’est la Zone de Stalker, une terre sans nom et glaçante mise sur pied par Tarkovski à partir d’une poignée de décors et d’accessoires, et dans laquelle on pénètre en tant que spectateur avec une certaine appréhension. C’est dans ce lieu que se déroule l’essentiel du film, qui présente un voyage initiatique dont on ne connaît vraiment ni les circonstances, ni les motivations. Dans de grands mouvements lents, la caméra suit le périple de trois hommes à travers cette Zone que les dialogues ne cessent d’examiner en tous sens, sans pourtant jamais pouvoir la saisir dans sa totalité.
L’exploit de Tarkosvki est de procéder à une alchimie particulière en assemblant le plus d’éléments possibles autour du grand mystère du film et en les concentrant à l’écran pour tenter de capturer l’essence de ce mystère. Le résultat paradoxal est une “épreuve” cinématographique en extension, au rythme extrêmement long, sinueux, et par là mimétique de l’action : les personnages doivent parcourir une distance qui en réalité ne fait que quelques centaines de mètres, mais eux-mêmes sont obligés de prendre de nombreux détours, car la Zone fonctionne comme une série de pièges qui se renouvellent sans cesse et sans qu’on puisse les prévoir. On peut voir là l’une des réflexions favorites du cinéaste, celle portant sur l’expérience du temps, qui comme dans Le miroir constitue un flux continu et essentiel, mais difficilement contrôlable, entre les différents mouvements de notre existence.
Pourtant, dans le même moment, le film exige une capacité de concentration aiguisée, car il surprend par sa densité, que ce soit au niveau des dialogues - qui voltigent souvent entre les registres poétique et philosophique - ou de l’image, extraordinairement riche dans ses couleurs et sa composition. Les considérations sur la vie ou la foi créent une dimension parallèle aux agencements de saleté et de délabrement montrés à l’écran, et cette rupture entre l’abstrait et le concret se retrouve jusque dans la narration même, qui emmène ses personnages du côté de l’idée générale (ils se nomment l’Écrivain, le Professeur...) plutôt que du récit.
Il est donc question dans Stalker de se laisser initier, comme les personnages dans le film se laissent conduire par un passeur, qui se révèle l’homme le plus proche des vérités simples du cœur et de la nature. Malgré la richesse des réflexions qui constituent la matrice principale des dialogues et les allusions visionnaires aux excès des civilisations ultra-technologiques et policières, il n’y a sans doute pas de noyau systématique et rationnel, ou plus simplement de “message”, à tirer du récit. C’est d’ailleurs seulement à ce prix que le film réussit à ménager des espaces de flottement pour le spectateur, où ce dernier peut s’évader dans une rêverie à partir des images qui lui sont proposées à l’écran. Alors que l’un des motifs récurrents est celui de la prison et de l’enfermement, Tarkovski a l’audace de proposer comme ultime solution alternative une exploration visuelle et mentale unique, qui plonge celui qui la regarde dans une hypnose troublante.
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roger w 9 août 2010
Stalker - Andreï Tarkovski - critique
Un des plus beaux films de Tarkovski, à la fois complexe du point de vue philosophique, grandiose sur le plan formel et innovant dans sa structure narrative. On notera la présence d’un nombre incalculable de séquences cultes. Du très très grand cinéma. Le plus grand ?