Lunaire…
Le 5 juin 2020
Space Force n’est pas toujours « drôle », et même dans ses épisodes les plus absurdes, livre surtout une satire, à peine voilée, de Trump, voire d’Elon Musk, et d’autres travers de notre monde actuel, sur Terre. Steve Carrel et John Malkovich forment un duo exceptionnel.
- Réalisateurs : Jeff Balis - Paul King - Dee Rees
- Acteurs : John Malkovich, Steve Carell, Lisa Kudrow, Noah Emmerich, Ben Schwartz, Fred Willard, Diana Silvers
- Nationalité : Américain
- : Netflix
- Durée : 10 épisodes de 28 à 36 minutes.
- VOD : NETFLIX
- Scénaristes : Greg Daniels, Steve Carell
- Genre : Politique, Absurde, Parodie
- Titre original : Space Force
- Âge : Interdit aux moins de 13 ans
- Date de sortie : 29 mai 2020
- Plus d'informations : Space Force
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Résumé : Un général quatre étoiles doit faire équipe avec un scientifique excentrique pour développer la Space Force, une nouvelle branche de l’armée américaine.
Critique : Vous avez lu le résumé. Le plus tragique-comique, c’est que la base est vraie : l’United States Space Force existe. Elle a été créée par un décret signé, avec sa mise en scène habituelle, par Donald Trump en juin 2018. Comme dans la série, elle est localisée au Colorado. Son logo - bien qu’il soit dans la continuité de ceux de l’Air Force - a alors fait l’objet d’un buzz croquignolesque sur les réseaux sociaux, en raison de son étrange ressemblance avec celui de Star Trek. La mèche ayant été allumée par un énième tweet de Trump : « Après avoir consulté nos grands chefs militaires, nos concepteurs et d’autres, j’ai le plaisir de présenter le nouveau logo de la Force spatiale des États-Unis, la sixième branche de notre magnifique armée ! » (1). Cette sixième branche de l’armée est destinée à renforcer les moyens en satellites des États-Unis et missiles balistiques intercontinentaux. Sachant que l’ennemi est, à demi-mots avoués, la Chine.
Du pain béni pour Greg Daniels, créateur de The Office, et Steve Carell qui se sont emparés de ce sujet, lui donnant plus d’ambition puisque cette Space Force a aussi l’objectif de retourner fissa sur la Lune, d’ici 2022. Netflix a commandé la série début 2019, et étrange coïncidence, elle sort concomitamment à deux événements : le week-end du lancement, par SpaceX, du premier vol habité américain depuis l’arrêt des navettes (les Américains en mission dans la station orbitale s’y rendent via l’intermédiaire des Russes) et une couche supplémentaire dans la dégradation des relations entre les États-Unis et la Chine, en raison de la crise du coronavirus. Et curieusement deux thèmes, en partie, abordés dans la série.
- Copyright Netflix
Space Force adopte un format que nous apprécions : celui d’épisodes courts d’une trentaine de minutes, qui obligent à une écriture plus dense et, si elle est bien maîtrisée, donnent rythme et tension soutenus. Or, c’est une lapalissade, en humour, le rythme est fondamental. Avec Steve Carell à l’écriture et à la production, dont le talent comique n’est plus à démontrer - on rappellera ses débuts aux côtés de Bill Murray, Stephen Colbert (The Daily Show), Will Ferrell (Saturday Night Live), Jim Carrey (séquence culte dans Bruce tout puissant) et enfin son rôle dans The Office - mais aussi dans des rôles dramatiques (sinistre spéculateur dans The Big Short : Le Casse du siècle, pour ne citer que celui-ci), le risque d’ennui, sur le papier, était a priori assez mince. Le contrat est largement honoré : en dix épisodes expédiés au pas de charge, hormis quelques petites baisses de régime secondaires, Carrel et Daniels livrent un récit à la fois délirant, surréaliste, ubuesque et tragique.
Steve Carrel est le Général Mark R. Naird, bombardé quatre étoiles, entre deux portes au Pentagone, et patron de la Space Force, dont ses collègues big boss des autres armées se moquent, tout en lui glissant des peaux de banane. Sa mission, donc, est de coloniser rapidement la Lune, tout en veillant aux autres programmes militaires. Sauf que dans sa base au Colorado, il va devoir composer avec un staff pour le moins haut en couleur : un second, général placardisé et pas très vif, un directeur scientifique (excellent John Malkovich), à la fois rabat-joie et fin stratège, supervisant des programmes parfois surprenants (épisode 2 surréaliste !) et un chargé de communication geek des réseaux sociaux sérieusement allumé (Ben Schwartz en roue libre). Sans oublier sa fille en pleine crise de rébellion (mais quelle idée de quitter Washington, pour aller s’enterrer dans ce trou au milieu de nulle part ?) et enfin sa femme (Lisa Kudrow, oui, Phoebe de Friends) dans une situation dont on n’a toujours pas compris comment elle a pu s’y fourrer. On ne vous dit rien, mais on vous garantit que vous tomberez de votre chaise.
Mais c’est quoi ces programmes à la noix ?… »
- Copyright Netflix
Space Force n’est pas « rigolo ». Si certains épisodes ou situations ont parfois des accents à la Monty Python, l’écriture repose sur un subtil mouvement de balancier entre absurde et tragique. Et c’est ce dosage qui rend cette série assez brillante. Chaque épisode est truffé de références et clins d’œil malins (2001, l’odyssée de l’espace, Docteur Folamour, Apollo 13, etc.) ou d’intrusions loufoques (La servante écarlate). Ça balance son petit lot de tacles sur l’addiction du président, sans le nommer, à Twitter, ou sur ses idées fumeuses, mais sournoisement via sa femme, comme celle sur les futurs uniformes de la Space Force, très style Star Trek (l’histoire précitée du logo date de fin janvier 2020). La charge politique n’est pas en reste, comme lors de cette scène d’audition au Congrès pour une rallonge budgétaire, qui synthétise à elle seule le travail d’orfèvre d’écriture, alternant délires, mise en boîte de la base électorale de Trump, gags dans la tradition du burlesque et délivrant, in fine, un vrai discours. Space Force reste finalement bien plus sur Terre, en portant son attention sur des sujets économiques (la survalorisation de certaines start-up qui opéreraient dans le spatial, suivez notre regard) et sociétaux comme le racisme, l’homosexualité ou la place des femmes dans des univers très masculins. Enfin, on ne devrait vraiment pas tarder à trouver sur Internet des compilations de répliques, car certaines valent leur pesant de cacahuètes. Allez, deux pour la route. Un futur cosmonaute demande : « il paraît que sur la Lune on grandit de 5 cm. Mais dans tous les sens ? ». La seconde : « bon, je vais me brosser les dents ». Cette dernière, quand vous aurez vu l’épisode, vous la trouverez, comment dire…
Cette première saison s’achève sur un vrai cliffhanger sévèrement perché et lunaire. Lunaire ? Là, encore vous comprendrez, car si les scénaristes ne s’ennuient pas d’un minimum de respect du réalisme spatial et temporel dans la mise en scène, en employant des ellipses au marteau pilon, une chose est certaine : on a une furieuse envie de découvrir la suite. Pourquoi ? Parce que, nom d’une pipe, on veut savoir ce qui s’est passé pour Lisa Kudrow, l’épouse du général quatre étoile Steve Carell ! Et toutes ces histoires de Lune, missiles et graves tensions américano-chinoises, vu que c’est du grand n’importe quoi, mais hautement jubilatoire, on s’en fiche. Enfin, presque.
- Mon Général, ne répondez pas, c’est confidentiel défense… »
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(1) Le tweet est là.
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