Critique  : Il y a dix ans que Sylvain Martin, metteur en scène, a eu l’envie de monter cette œuvre de Peter Handke, Prix Nobel de littérature... Il lui fallait un comédien à la hauteur d’un tel défi.

Le public s’installe sur scène, au cœur même d’une rame de métro. Lieu réaliste dans une atmosphère insolite. William Astre, "l’Homme sauvage", fantasque et exubérant, surgit dans le wagon et se met à chanter. Il nous embarque, nous les « chers affreux », pour mieux nous invectiver, nous balancer, de gauche à droite, un flot continu de jugements condescendants et amers. Tout y passe : nos mauvaises vies, nos piètres goûts, notre laideur... Il s’adresse aux autres tout en se parlant à lui-même. Il sait tout de nous et de ce qu’il nous faut. Il le revendique.

Crédit : Benjamin Oppert

William Astre, seul en scène pendant près d’une heure trente, excelle dans un texte dense. Sa présence et son regard viennent cueillir le public. Il est accompagné, en voix off, par "La Femme sauvage", interprétée par, Sophie Semin, compagne de Peter Handke.

La mise en scène et la scénographie mouvante de Sylvain Martin sont ingénieuses. Cela a nécessité un vrai travail de recherche tout en se plongeant dans l’univers littéraire de Handke. Il crée une relation très particulière avec le public. Le texte le veut : interpellations, provocations... Le metteur en scène développe ce lien en plaçant les spectateurs au plus près du personnage. On s’en prend plein la tête et les oreilles.

La scène dans laquelle "L’Homme sauvage" interpelle des Playmobils est particulièrement pertinente et saisissante. Les musiques sont choisies avec soin. Elles résonnent comme un roulis répétitif, rythmé et lancinant, de rame de métro.

En respectant à la lettre le texte de Peter Handke, le spectacle nous plonge complètement dans la sensibilité à fleur de peau de Peter Handke. À voir, à lire, à ressentir pour mieux remonter à la surface !