Solo - La chronique BD

Le 13 novembre 2015, Gilles Rochier regarde à la télévision le match de foot qui se déroule au Stade de France. Suite aux explosions qui ont lieu a proximité, il comprend qu’il y a un problème. Dans la foulée, il achète sur Internet une trompette - instrument dont il ne sait pas jouer - et passe son temps à souffler dedans, ce au grand dam de son entourage. Abasourdi par les événements, il ne peut que s’essouffler en vain ?

Gilles Rochier / Casterman

Il est facile d’imaginer le tête de lecteurs potentiels feuilletant ce livre, décontenancés par son minimalisme apparent et la répétition des situations. Visualiser cela accentue l’envie de trouver les arguments justes pour décrire, analyser et défendre cet album. Si certains crieront sans doute à la fumisterie, d’autres, dont nous faisons partie, vanteront les mérites de cette œuvre incroyable qui leur a laissé le souffle coupé.

Gilles Rochier nous a habitués à des albums personnels et forts, drôles et touchants. Il est également l’un des rares auteurs de bande dessinée à parler de la banlieue de l’intérieur, sans tambour… ni trompette - jusqu’à cet album ! -, avec une précision et une franchise désarmantes. Solo ne déroge pas à cela.

Gilles Rochier / Casterman

En enchaînant des saynètes sensiblement proches les unes des autres, cet album peut paraître creuser un seul sillon. En fait, il utilise la variation pour répéter certains éléments, mais surtout pour en amener d’autres. À travers son personnage qui se réfugie dans le mutisme et dans une activité qu’il ne pratiquait pas auparavant, il pointe la déflagration qu’un événement - en l’occurrence, les attentats du 13 novembre 2015 - peut générer dans la chair et l’esprit d’un individu qui, en apparence, en est éloigné.
Par l’absurdité des situations, comme par la justesse des propos tenus par les proches du personnage principal, Solo saisit et retranscrit une bonne partie du spectre de la tristesse, de l’effondrement et de la douleur. Il est également l’affirmation d’une volonté artistique forte, manifestement faite d’improvisation et de maîtrise mêlées.

Gilles Rochier / Casterman

Cette bande dessinée déroutante bouleverse en profondeur, comme le fit en son temps TMLP - Ta mère la pute (6 pieds sous terre, 2011), autre chef-d’œuvre de Gilles Rochier qui avait, entre autres, obtenu le Prix révélation au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême en 2012. Nous souhaitons la même existence et le même parcours à ce livre indispensable.