Shanghai dreams - la critique

Suprême confirmation que Wang Xiaoshuai est un grand.

L’argument : Dans les années 60, de nombreuses familles abandonnent les grandes villes chinoises pour des régions pauvres. Le gouvernement les incite ainsi à développer l’industrie locale. Dans ce contexte, une jeune fille de dix-neuf ans vit son premier amour dans la province de Guizhou, alors que son père désire partir au plus vite à Shanghai.

Notre avis : Ceux qui ont connu le cinéaste Wang Xiaoshuai avec Beijing bicycle, sorte de film-hommage au Voleur de bicyclette, doivent à tout prix se réjouir. Son nouveau Shanghai dreams est grand. Ne point se fier à l’apparent hermétisme du sujet : comme le portrait de l’adolescent dans Beijing bicycle confronté dans le Pékin de nos jours à une violence qui le dépasse, Xiaoshuai dessine celui d’une demoiselle dans une province paumée dans les années 60. Entre boums disco où de jeunes ados en quête d’abandon physique traquent les nanas en se déhanchant et rigueur extrême de parents, Xiaoshuai décrit avec acuité le quotidien morne d’une adolescente condamnée à supporter l’autorité tutélaire de son paternel qui la traque sans relâche.
Préférant le quotidien rikiki à la théorie surplombante, le réalisateur accumule les détails, les gestes (in)signifiants, les scènes contemplatives. Si le film fait preuve d’une réelle audace thématique, il convainc également par sa rigueur formelle et sa remarquable direction d’acteurs. Comme souvent dans le genre, ledit portrait de la demoiselle n’est qu’une allégorie politique d’un pays replié sur lui-même et s’interdisant tout... Le contexte politique n’est évidemment guère anodin. Avec son rythme lancinant, l’homme à la caméra décortique les bouleversements ayant affligé ses personnages et son pays. Le tout sans sombrer dans l’édification pédago. Et le cinéaste en profite pour édifier à travers la peinture du quotidien étouffant de la demoiselle la Chine sous le pouvoir rouge. Rouge comme le sang et la mort. La preuve, ça se termine mal.