Sex is politics !
Le 17 juin 2010
Recette du cocktail explosif à la Wakamatsu sauce gauchiste : de l’activisme, des initiations sexuelles, et de longues méditations sur fond de Japon jazzy en noir et blanc. Une recette étonnante, pour tous les (mé)connaisseurs du pinku...
- Réalisateur : Koji Wakamatsu
- Acteurs : Tamaki Katori, Mizako Kaga, Etsuko Wakayama
- Genre : Drame, Érotique
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur DVD
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– Durée : 1h09min
– Titre original : Seizoku
– Inclus dans le Coffret Koji Wakamatsu vol.2 (sortie : le 6 juillet 2010)
Recette du cocktail explosif à la Wakamatsu sauce gauchiste : de l’activisme, des initiations sexuelles, et de longues méditations sur fond de Japon jazzy en noir et blanc. Une recette étonnante, pour tous les (mé)connaisseurs du pinku...
L’argument : Recherché par la police, un groupe d’étudiants révolutionnaires trouve refuge dans l’appartement d’un jeune inconnu providentiel. Condamnés à vivre entre quatre murs le temps que les choses se tassent, ils passent leur temps à fumer, boire et faire l’amour...
Notre avis : C’est une sorte d’état des lieux du Japon, à l’orée des années 1970 : si la plupart des mouvements contestataires étudiants ont échoué à réaliser politiquement leurs aspirations révolutionnaires, une autre révolution a-t-elle pu advenir ? Une révolution plus intime, personnelle, charnelle ? En enfermant ses activistes entre quatre murs, Wakamatsu s’intéresse à la face cachée et privée du radicalisme, où des puceaux en émoi découvrent les joies d’une « cellule rose » censée faire accéder celui qui y entre ou la pénètre à un niveau supérieur de conscience politique... Moins une révolution sexuelle qu’une révolution par le sexe, donc, au risque de noyer l’idéal gauchiste dans les plaisirs de la chair. Le plus troublant réside donc dans la métamorphose de la chambre à coucher en lieu politique, cette transformation ne se déroulant toutefois pas tout à fait comme prévu : la relation sexuelle ne suppose pas une communauté égalitariste, elle reproduit toujours les rapports binaires entre dominants et dominés. Et même si la plus fervente des militantes du groupe répète à l’envi, au moment de faire l’amour, un langoureux « Nous vaincrons, nous vaincrons », c’est en réalité dans la spirale de leurs propres fantasmes que sont entraînés les soldats masculins de cette faction d’armée rose, tandis que leurs petites amies jouent aux femmes-objets.
Par ce mariage singulier et appuyé entre agitation politique et désir sexuel, Sex Jack ne manque pas d’étonner, versant parfois dans une auto-dérision bienvenue : « C’est de l’art prolétarien dans cette cellule d’étudiants », déclare avec sérieux l’un des activistes, dont on ne sait pas vraiment s’il s’adresse à ses amis ou à la caméra. Ce recul semble être le signe de la lucidité remarquable et paradoxale avec laquelle Wakamatsu - cinéaste de l’extrême et extrémiste - a choisi de s’engager totalement dans les luttes gauchistes de cette fin de décennie 1960, tout en prenant acte de leurs limites, voire de certaines de leurs absurdités. Une scène formidable montre ainsi les étudiants, vautrés sur des tatamis, se mettant à chanter en chœur, comme des pantins désarticulés, le chant révolutionnaire le plus populaire de l’histoire du XXème siècle : c’est ici peut-être, devant cette Internationale du couch-potato, qu’on devine un cinéaste plus nihiliste qu’utopiste engagé, désamorçant non sans un plaisir vicieux les bombes qu’il a lui-même contribué à fabriquer. En réalité, il n’est pas sûr que Wakamatsu ait la conscience de groupe hypertrophiée, comme en témoignent ces séquences jazzy et mélancoliques, au décor dépouillé et aux personnages mystérieux ; leur silence ponctue un film plutôt hystérique comme autant de respirations lentes et maîtrisées, dont le sens demeure plus opaque. Bienvenue avec Koji Wakamatsu dans une autre chambre, intérieure quant à elle : celle des secrets de chaque individu, où sexe, rêverie politique et identité personnelle sont indissociables.
Le DVD
Blaq Out poursuit avec bonheur la rétrospective Wakamatsu, avec un deuxième coffret où figure Sex Jack...
Les suppléments
Une "préface" de Sex Jack - en réalité à découvrir plutôt après avoir vu le film -, signée par Gaspard Noé, est le seul accompagnement de cette oeuvre pourtant intrigante, qui aurait nécessité un peu plus de commentaires pour satisfaire entièrement notre curiosité...
Image
Malgré un noir et blanc impeccable, la vision du film est quelque peu perturbée par les effets d’anamorphose certes présents sur la copie originale, mais qui, sur la version DVD, prennent une dimension quasi-hallucinatoire.
Son
Pas de surprise : version originale en mono, qui fait honneur à la musique feutrée choisie par le cinéaste, mais rend moins bien les voix, dont le volume frise assez souvent.
Galerie photos
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