Le 17 novembre 2024
Aussi puissant que The Square, et encore plus corrosif, Sans filtre est un récit étrange et jubilatoire, grand moment de cinéma et d’humour féroce.
- Réalisateur : Ruben Östlund
- Acteurs : Woody Harrelson, Zlatko Burić, Jean-Christophe Folly, Oliver Ford Davies, Harris Dickinson, Charlbi Dean, Iris Berben, Dolly De Leon, Vicky Berlin, Henrik Dorsin, Sunnyi Melles, Amanda Walker, Arvin Kananian, Carolina Gynning, Ralph Schicha
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Britannique, Français, Allemand, Suédois
- Distributeur : Bac Films
- Editeur vidéo : M6 Vidéo
- Durée : 2h29mn
- Date télé : 17 novembre 2024 21:00
- Chaîne : Arte
- Titre original : Triangle of Sadness
- Date de sortie : 28 septembre 2022
- Festival : Festival de Cannes 2022, Festival de La Rochelle 2022
Résumé : Après la Fashion Week, Carl et Yaya, couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s’inversent lorsqu’une tempête se lève et met en danger le confort des passagers.
- © FDC / Philippe Savoir
Critique : Le triangle de tristesse est une expression utilisée par les chirurgiens esthétiques pour nommer cette zone entre les yeux où l’on peut lisser les rides au Botox. Cela devait être aussi le premier titre français de Triangle of Sadness, dont le récit structuré en trois parties débute par les aléas d’un couple de mannequins qui ne cesse de se chamailler pour des histoires d’argent. Carl (Harris Dickinson) est moins célèbre (donc moins rémunéré) que Yaya (Charlbi Dean Kriek) ; aussi le jeune homme reproche-t-il à son amie sa radinerie et son conformisme genré : c’est toujours lui qui doit sortir la carte bancaire au moment de payer la note des restaurants et autres dépenses. Carl et Yaya sont jeunes, beaux, riches, mais sans doute « superficiellement superficiels », comme aurait dit Max Ophüls. Leur mésentente fait écho au conflit du couple de bourgeois en vacances à la montagne dans Snow Therapy (Prix du Jury Un Certain Regard 2014). Et le ton décalé de leurs propos nous plonge d’emblée dans l’univers corrosif de Ruben Östlund, découvert en France avec Play (Quinzaine des Réalisateurs 2011).
- © 2022 Plattform Production, The Coproduction Office, Imperative Entertainment. Tous droits réservés.
Ce début peut convoquer aussi des références externes, comme The Pillow Book de Peter Greenaway, qui se déroulait lui aussi, en partie, dans l’univers de la mode, avec deux amants borderline. La série de scènes constitue en fait le premier volet d’un récit en trois parties, les deux autres montrant une croisière de luxe suivi d’un séjour dans une île, auxquels participent nos deux tourtereaux. Des personnages pittoresques complèteront la galerie, d’un commandant de bateau américain anticapitaliste et ivrogne (Woody Harrelson) à un Russe nouveau riche farceur (Zlatko Burić), en passant par une femme de ménage asiatique se révoltant contre sa condition de prolétaire opprimée (Dolly de Leon). Ruben Östlund signe peut-être avec ce long métrage son film le plus jouissif. Les gags de la seconde partie sont désopilants et ont déclenché les plus grands rires des festivaliers cannois, peut-être depuis Toni Erdmann de Maren Ade. Le réalisateur met en scène un véritable jeu de massacre sur les rapports de classe et de genre, tout en privilégiant une ambiance irréelle et fantasque, avec une inspiration qui semble ici à son sommet.
- © 2022 Plattform Production, The Coproduction Office, Imperative Entertainment. Tous droits réservés.
Un "huis clos en plein air" avec un microcosme disparate est dans la lignée de The Square (Palme d’or Cannes 2017), et Östlund réussit (en mode parodique certes) ce que M. Night Shyamalan avait loupé dans le récent Old. Et le réalisateur n’hésite pas à dynamiter le politiquement correct, comme l’atteste le sort d’un âne guère plus chanceux que ceux de Robert Bresson dans Au hasard Balthazar ou Jerzy Skolimowski dans EO (Hi-Han). Avec le recul, le présent métrage constitue selon Östlund « le dernier pan d’une trilogie sur la condition du mâle contemporain, qui aurait débuté avec Snow Therapy et The Square mais s’est imposée en tant que telle un peu à son insu » (Le Film français). Les deux heures et trente minutes pendant lesquelles se déroulent cette narration se savourent avec délectation tout en témoignant avec brio des névroses contemporaines.
Gérard Crespo
Le test DVD
L’image :
L’image est d’excellente facture et le passage du grand au petit écran n’occasionne, en aucun cas, un crash visuel de ce film ovni.
Le son :
Le long-métrage est proposé en stéréo sur support DVD. Cela sert le film comme il se doit avec des textures variées et de qualité.
Les suppléments :
Que des bons points à distribuer :
– Interviews de l’actrice Dolly de Leon qui joue Abigail, la responsable philippine des sanitaires du yacht, ainsi que du réalisateur Ruben Östlund. Ces deux entretiens ont été réalisés lors du festival de Cannes 2022 et donnent encore plus de relief au film ;
– Scènes coupées : douze minutes, souvent intrigantes, que nous ne saurions refuser.
Éric Françonnet
– Sélection officielle Cannes 2022 : en compétition
– Cannes 2022 : Palme d’or, Prix CST de l’artiste-technicien, Premier Prix CinÉduc, Prix des Cinémas Art et Essai
– Sortie DVD/Blu-ray : 1er février 2023
Galerie Photos
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karine 18 mai 2023
Sans filtre - Ruben Östlund - critique
Pour ceux qui se demandent ce que signifie vivre en société…