Un corps simple
Le 26 septembre 2005
Un auteur maudit, un texte miraculé, Saccage met les corps à nu face à la puissance du désir.
- Auteur : Eric Jourdan
- Editeur : LA MUSARDINE
- Genre : Roman & fiction, Érotique
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Lorsque paraît Saccage pour la première fois, à l’aube des années 60, il ne reste plus grand-chose du texte initial. Remanié, coupé, réécrit par l’éditeur, le roman peut affronter la cohorte des censeurs la tête haute, la morale est sauve. La littérature peut-être un peu moins. La Musardine nous offre aujourd’hui l’intégralité de cet incroyable texte, bouillonnant de la violence feutrée qui fait la puissance du désir.
Fraîcheur, c’est son nom, est un jeune garçon. Il trouve refuge un soir d’orage chez Clémence, une femme mûre, seule, qui voit dans ce corps exultant l’ombre d’une sensualité qu’elle croyait à jamais éteinte. Clémence va se consumer d’amour de désir et de pouvoir, tandis que Fraîcheur prendra peu à peu la mesure d’une sexualité qu’il peine à comprendre, à affirmer et à vivre.
Saccage, c’est l’histoire d’un doute. Celle d’un corps objet qui va devenir désirant. Celle d’un choix. Fraîcheur s’offre aux bras des femmes, prodigue, dans tout l’éclat de sa jeunesse, de sa force. Il n’est qu’un corps. On ne sait rien de lui, on ne veut rien savoir. Mais nul n’est sans passé, et celui de Fraîcheur finira bien par le rattraper. Un passé fait d’attirances honteuses, de désirs étouffés, de corps de garçons rayonnants d’une sensualité triomphante. On est chez Genet, dans cette glorification des corps qui s’offrent, cette sanctification du désir. Mais la langue est celle de Flaubert, dans son exactitude, sa rigueur, sa fougue mesurée, dans ces rapports entre les êtres, dans ces univers exigus qui ne demandent qu’à se gorger d’espace et de liberté, dans ces images qui en appellent d’autres, comme Clémence qui voit la silhouette de Fraîcheur remplacer les anges de l’église et fait étrangement écho à Félicité qui transfigure, dans Un cœur simple, l’image de son perroquet en Saint-Esprit.
Saccage, enfin, est un roman rare, d’une intensité à la fois sensuelle et littéraire, d’une exigence extrême, de cette perfection lumineuse qui fait, dit-on, la beauté du diable.
Eric Jourdan, Saccage, La Musardine, 2005, 192 pages, 15 €
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