Romance

Breillat filme l’amour et construit, imperturbable, une œuvre exigeante et solitaire.

A l’heure où sort sur les écrans Anatomie de l’enfer, suivi de l’odeur de scandale et du déferlement de haine qui accompagnent immanquablement chaque œuvre de Catherine Breillat, il est encore temps de s’attarder sur Romance, qui est peut-être son film le plus abouti le plus esthétiquement réussi, une superbe fable sur le désir et la jouissance.

On se rappelle le bouillonnement médiatique qui, comme aujourd’hui, fut tout près de pervertir une perception réfléchie du film. Le X rouge de l’affiche, la prestation de Rocco Siffredi qui serait presque passé pour la star du film quand il n’apparaît en réalité que quelques minutes, la presse s’en est donné à cœur joie, occultant avec soulagement ce qu’il ne fallait surtout pas voir : la quête initiatique de Marie à la recherche de son identité sexuelle, sa réconciliation avec un sexe qu’elle fait sien, et non plus l’objet des hommes, et qui lui permet, enfin, d’avoir accès à la jouissance. Des images d’une extrême beauté, jouant des couleurs dans une explosion de sens ; le blanc chirurgical de l’anesthésie des sentiments, refoulant Marie dans une négation d’elle-même qu’elle consumera jusqu’à l’épuisement, le rouge des scènes de bondage, passage initiatique qui la rendra à la vie, au désir, pour retourner, dans une dernière partie, à un autre blanc, celui de la salle de travail où la jeune femme donne à son tour la vie, qui ne peut être que ce tourbillon d’amour, de violence, de sueur et de sang.

Breillat pousse ses personnages aux limites d’eux-mêmes, à la recherche du moment de grâce. Elle filme l’abandon de la jouissance, cette faiblesse lumineuse, elle filme les rêves et les espoirs, elle filme l’amour tel qu’il est, dans le corps des femmes et le regard des hommes.