Le 17 janvier 2004
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L’argument : Pendant quatre nuits, et contre de l’argent, une jeune femme (Amira Casar) engage un homme "impartial" (Rocco Sifreddi) à venir observer sa féminité sous toutes les coutures.
Notre avis : L’un des paradoxes de Catherine Breillat - et pas des moindres - est d’avouer "humblement" sa forte propension à la présomption, sans jamais pourtant y remédier. Anatomie de l’enfer n’échappe pas à ce travers : issu de son roman de jeunesse Pornocratie, le scénario ne résiste pas à la tentation très narcissique de la citation.
La réalisatrice, en voix off, livre elle-même quelques pans de son roman - le plus souvent sur un plan fixe de l’océan... Les personnages ont eux aussi leur part de dialogues très écrits. Or ce texte, si peu naturel dans la bouche de ces personnages improbables, contredit les gestes mêmes. Quand la jeune femme dénonce dans son discours son statut d’objet, elle se livre complètement, y compris dans son sommeil (une pénétration anale ne la réveille pas du tout). Quand l’homme affirme son dégoût pour la féminité et sa préfèrence pour les hommes, il succombe facilement à cette femme, érections immédiates et maximales à l’appui. Difficile dès lors de savoir ce que cherche à démontrer Catherine Breillat. Le regard de l’homme avilit-il la femme ? La féminité induit-elle le mépris et la violence masculine ?
Seule certitude : la nudité de la femme taraude la réalisatrice, qui veut absolument "montrer l’immontrable", comme les sécrétions vaginales, le sang des menstruations ou encore l’anus. Ces images sont d’ailleurs les seules à vraiment poser problème, parce qu’elles font l’objet de plans très distincts - qui pourraient parfaitement être coupés au montage - et pour lesquels il n’y a pas de mise en scène. Voilà un sexe féminin en gros plan. Soit, et alors ? En elles-mêmes, ces images ne font pas sens. Elles ne révèlent rien. Aussi, lorsqu’à l’issue de son contrat de quatre nuits, le personnage masculin affirme avoir eu accès à l’intimité la plus totale de cette femme, on reste sceptique : cette jeune femme qui s’est laissée appréhender comme un objet n’a rien donné d’elle-même.
Faut-il alors comprendre que la femme est intrinsèquement impudique, obscène, offerte ? Quelle que soient ses attitudes ou ses intentions ? Curieusement, Catherine Breillat semble aller dans ce sens. En choisissant Amira Casar, la réalisatrice recherchait une image de la femme pure et vierge. Mais la condition féminine est si désolante qu’elle justifie que la jeune femme cherche à se suicider : "parce que je suis une femme" dit-elle... Une position extrême qui montre qu’avec ce dixième film Catherine Breillat n’a pas résolu la question de la féminité.
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