Roman d’une adoption : plaidoyer d’une réalisatrice pour le droit à la parentalité

Notre avis : Chaque année en France, 8 000 personnes obtiennent l’agrément des services sociaux pour pouvoir adopter un enfant. Mais ce processus est long. Très long. Et douloureux. Parfois, certains perdent espoir, jusqu’à ce que l’espoir revienne. Et d’autres continuent de se battre, jour après jour, pour que leur rêve de devenir parents se réalise.
Céline et Cédric n’ont pas réussi à avoir leur propre enfant. L’adoption est pour eux l’ultime recours, à moins de se séparer pour refaire sa vie avec une autre personne. Mais eux, ils se sont séparés pour mieux se retrouver et gravir ensemble la montagne administrative et sociale de l’adoption. Et ils y sont parvenus. Philippe et François s’aiment depuis vingt ans. Malgré l’adoption de la loi Taubira en 2013 visant à ouvrir le droit au mariage et à l’adoption pour les couples de même sexe, le combat est encore difficile pour deux hommes qui se rêvent pères mais le tabou de l’homoparentalité les entrave gravement dans leurs démarches. Deux combats différents qui se rejoignent pourtant.

Avec engagement, sincérité et humilité, Anne Gintzburger vit avec ces quatre aspirants parents la bataille pour l’adoption dans un dispositif sobre, sans occulter aucune question que chaque personne peut se poser sur le sujet. Cela commence par les voix des protagonistes parlant en off à l’enfant qui sera un jour le leur, quelques plans moyens sur leur cadre de vie, leur quotidien, toujours jalonné par ce désir descendance, de filiation. Les deux couples sont déterminés, font face avec courage aux personnels des services sociaux qui, inlassablement, leur demandent encore et encore s’ils sont prêts à accueillir un nouveau membre au sein de leur foyer, de leur famille.
Pour Céline et Cédric, qui étaient prêts à adopter à l’étranger, tout s’accélère brutalement le jour où on leur annonce par téléphone qu’un bébé français, une petite fille née tout près d’eux, peut devenir leur enfant. Pourtant, au moment de se rendre au Conseil départemental du Nord, Céline craque, pleure toutes les larmes de son corps. La caméra reste en retrait, et si Céline confie à Cédric ses craintes de ne pas être à la hauteur, elle est maman depuis longtemps, dans sa tête et dans son cœur, ses larmes déversent des années de stress, de doute, d’espoir. C’est ainsi que la petite Ninon, trois mois et demi, rejoint ses parents. Avec douceur, Gintzburger nous invite à partager les premiers moments de découverte et de complicité entre le couple et sa fille. Ils se sentaient parents depuis longtemps, aujourd’hui, ils le sont officiellement.

Pour Philippe et François, en revanche, les choses traînent. Le tabou de l’homosexualité, et surtout celui de l’homoparentalité masculine, reste encore très présent dans notre société, y compris au sein même des services sociaux, face auxquels les deux hommes se livrent, racontent leur histoire, se mettent à nu, avec la crainte persistante que le Conseil départemental de l’Essonne refusera la candidature d’un couple homoparental à l’adoption d’un enfant. "La différence existe entre François et moi, de par nos personnalités." explique Philippe. Face à la solidité du couple, récemment marié, les services sociaux se déclarent favorables.
Pourtant, au bout de trois ans d’attente, Philippe et François, de plus en plus impatients, apprennent que leur dossier n’est même pas en fil d’attente. La question de l’homophobie ressurgit alors dans l’esprit de Philippe qui fond en larmes face caméra : "Je n’adopte pas un fantôme, dit-il avec froideur, je ne veux pas qu’on abîme mon couple, je ne veux pas qu’on abîme François." Malgré ces coups durs, Philippe et François l’affirment : ils ne lâcheront rien.
Plaidoyer sans complaisance ni démagogie, dépourvu de tout militantisme subversif radical, ce roman d’une adoption se fait le porte-parole de toutes ces femmes et de tous ces hommes pour qui le désir d’enfant devient peu à peu un besoin vital.